Sous les serres, en ce début du mois de mai, aubergines, courgettes et tomates commencent à fleurir. À l’extérieur, les fraises de pleine terre ont donné leurs premiers fruits. Julien Romilly fait pousser de la mara des bois, de la séraphine et de la mariguette (croisement de gariguette et de mara des bois), trois variétés remontantes qui produisent d’avril à fin octobre. Très sucrées et faiblement acidulées, elles ont un succès fou ! Ce n’est qu’un échantillon de la production de l’exploitation. Car l’agriculteur cultive quelque 300 variétés de fruits et légumes de 40 espèces différentes.

Ici, on découvre des tomates aux noms inconnus, comme la gregory altaï, précoce, charnue et parfumée. Ou encore prince noir, ronde et noire, dorothy green, verte et zebrée, orange queen, semblable à un kaki. Inconvénient, elles ont une tenue réduite après la récolte, six jours seulement. Julien les cueille donc à coloration tournante et les stocke en chambre froide. Il double ainsi la durée de conservation. Trois jours avant la commercialisation, il les retire du frigo et il les laisse à température ambiante jusqu’à la vente.

Comme les tomates, les choux se déclinent à l’envi : lisses, rouges, verts, cabus… Les blettes aussi sortent de l’ordinaire : rouges, jaunes, vertes, et même vert pâle gaufrées… Ajoutez-y des courges de toutes sortes, des radis, des épinards, des navets, des carottes, des salades, oignon, ail… et la gamme des plantes aromatiques : persil, basilic, ciboulette…

Sélection variétale

Julien produit tout ce l’on peut trouver dans un potager, même des légumes exotiques, tel le gombo, un poivron africain que l’on utilise pour préparer les fonds de sauce. Il n’y a guère que le poireau qu’il a dû abandonner, à cause de la teigne.

Il s’est installé à trente ans, le 1er février 2010, sur 9 hectares de terres, sans électricité, ni eau potable. Il a entièrement défriché 4 ha. « J’ai fait le choix de la diversité, pour me distinguer au sein du bio, poursuit Julien. Aujourd’hui, je me rends compte que ce n’était pas nécessaire, car la demande en bio est porteuse. Mais, je me serais ennuyé ! » La première année, il a toutefois produit plus que ses débouchés. « Il a suffi que j’appelle quelques magasins bio, pour qu’ils me prennent le surplus de production, se souvient-il. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Je reçois des demandes une fois par semaine. »

L’agriculteur a implanté les variétés présentes sur l’exploitation, après les avoir testées. Il les a trouvées sur des sites spécialisés. Son but : sélectionner des variétés gustatives, productives et adaptées à son terroir. C’est ainsi que Julien a écarté la tomate cœur-de-bœuf blanche, « totalement insipide ». Il a fait des découvertes. Les carottes hybrides cultivées dans des conditions sèches et peu arrosées se fendent à la récolte. Il a donc planté des variétés non hybrides : robila, chantenay à cœur rouge, rodelika. Contrairement aux hybrides, elles ne s’arrêtent pas de pousser en terre. À l’arrivée, elles peuvent peser jusqu’à 1 kg l’unité ! Ses clients sont fans. « Étant donné qu’elles restent six mois dans le sol et sont peu arrosées, ces carottes sont fortement concentrées en carotène », explique l’agriculteur. Aujourd’hui, il est le seul à cultiver de la cressonnière, une salade géante, au goût de mâche et de cresson, qu’il vend 1,50 euro pièce.

Julien a d’abord commercialisé sa production sur les marchés, celui de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), les jeudis après-midi, et de Niozelles, les mardis soir. L’année de son installation, il a fondé avec d’autres agriculteurs Univers paysans, un point de vente collectif, également basé à Forcalquier. C’est un succès commercial : il réalise aujourd’hui plus de 800 000 euros de chiffre d’affaires et regroupe 55 producteurs. Pour sa part, Julien s’y rend une demi-journée par semaine. « Nous avons étoffé les circuits petit à petit », dit-il. Désormais, il livre deux Biocoop à Manosque, deux fois par semaine. Il approvisionne des revendeurs de produits locaux bio, Ma Terre à Aix, Terroirs Bio et Plateforme paysanne locale, de septembre à avril. La diversification est aussi le maître mot de la stratégie commerciale de l’exploitation.