Lorsqu’ils se sont installés en 1978 à Castelnau-Durban, dans l’Ariège, Anne et André Bazerque ont misé d’entrée de jeu sur la transformation et la vente directe pour tirer parti de leurs 36 hectares. En 1996, ils avaient reçu La France agricole pour un premier article. À deux, ils élevaient alors 17 brunes et transformaient 70 000 litres de lait en tomme des Pyrénées. Avec une douzaine de cochons, ils produisaient également de la charcuterie dans un atelier en Cuma. « Nous dégagions du revenu, ce qui prouve bien que les vaches aussi permettent de valoriser une petite structure, et pas seulement les brebis ou les chèvres ! Mais il y avait du travail pour plus de deux personnes », se rappelle Anne.

Vingt ans après, à quatre, ils ont trouvé un bon équilibre. Damien Sabadie les a rejoints en 1998. « Nous avions fini de rembourser nos emprunts, ce qui laissait davantage de revenus disponibles », relève Anne. Puis André a souhaité passer à mi-temps pour se consacrer à ses engagements professionnels. En 2008, le Gaec a alors intégré Jérôme Morscheidt. Et en 2015, c’est David Berto qui est arrivé. Pour l’instant en contrat emploi, formation et installation (CEFI), il remplace André, qui a pris sa retraite.

Sur 48 hectares, les associés de la ferme du Carrégaut élèvent aujourd’hui 21 brunes et transforment 93 000 litres. « Nous ne faisons que de la tomme des Pyrénées, en un seul format pour simplifier le travail, mais avec trois stades d’affinage », précise Anne.

Un système bien calé

Les cochons ne sont plus transformés, mais vendus en vif à des particuliers qui font eux-mêmes leur charcuterie. « Nous achetons 16 porcelets que nous engraissons jusqu’à 180 kg. À 2,70 €/kg vif, c’est rentable avec peu de travail. Et ils consomment tout le petit lait, ce qui limite les effluents à traiter », précise David.

Depuis 1996, le prix de vente des fromages est passé de 8 à 16 €/kg TTC. « Nous donnons la priorité à la vente sur les marchés et à la ferme, car c’est au contact direct avec les consommateurs que nous pouvons défendre le mieux le côté fermier de notre production », affirme Anne. 35 à 40 % du chiffre d’affaires reste réalisé auprès de revendeurs. « Depuis que nous sommes en bio, nous livrons tous les quinze jours des magasins spécialisés sur Toulouse. Le prix n’est que de 12,60 €/kg HT. Mais ils sont souples sur les volumes, cela nous permet d’ajuster avec la vente directe », note Jérôme.

Avec plus de vaches, le Gaec n’a pas perdu pour autant en autonomie fourragère. Le foin est séché en grange pour assurer sa qualité. « Nous gérons le pâturage tournant pour que les vaches aient en continu de l’herbe jeune, plus riche », note Damien. Leurs brunes valorisent toutes les pâtures et produisent 4 800 litres par vache avec seulement 560 kg de concentré. Avec un taux protéique de 34,80 g/l, leur lait convient bien à la transformation. « Pour préserver leur rusticité, nous sommes allés chercher en Suisse des taureaux issus du rameau de la brune originale », ajoute-t-il. Aujourd’hui, Jaca OB, né chez eux, est le premier taureau d’insémination français en brune originale.

Le Gaec utilise du matériel en Cuma et réalise des investissements réguliers pour améliorer l’outil de travail. « Nous n’avons plus d’annuités, et nous évitons de refaire des prêts. Nous préférons miser sur l’autofinancement et l’autoconstruction. À quatre, c’est plus facile de dégager le temps nécessaire. Nous avons ainsi construit un bureau et un atelier, puis un bâtiment pour le matériel », détaille Jérôme.

En élargissant l’équipe, le Gaec a pu rester au régime fiscal du forfait, ce qui limite le montant des cotisations sociales. Avec des charges bien maîtrisées, l’EBE a atteint 87 000 € en 2014, contre seulement 30 500 € en 1996. Cela a permis à chaque associé de se rémunérer à hauteur de 1 700 € par mois. À la fin de son CEFI, David devra décider s’il intègre ou non le Gaec. À la retraite d’Anne, un de leurs deux enfants pourrait la remplacer. « Notre système tourne bien, et avec des parts sociales qui ne sont que de 45 000 € par associé, il reste transmissible », relève André avec satisfaction.