Après la mise en redressement judiciaire de la société Van Hulle Agro-distribution, le 19 juillet 2016, environ 200 agriculteurs restaient avec des créances, pour un montant total estimé entre 4 et 5 millions d’euros (M€).

En novembre, une solution semble avoir été trouvée avec le négociant en céréales normand. Les agriculteurs touchés (Indre, Cher, Indre-et-Loire, Somme, Oise, Eure, Seine-Maritime) pourraient compenser une partie de leurs créances par des achats d’intrants.

« Nous ne pouvons pas payer les dettes avant la fin de la période de redressement. Cette solution a l’avantage d’être rapide et semble convenir à une grande partie des agriculteurs. Sur 120 contactés, nous n’avons eu aucun refus », souligne Matthieu Van Hulle, qui cogère l’entreprise avec son père.

Mais certains agriculteurs du Cher et de l’Indre ne sont pas de cet avis. Bertrand (1) ne compte pas adhérer au protocole. « C’est du chantage ! Sur une facture de phytos, on ne compense que 30 % de la créance ». En effet, pour 10 000 euros d’engrais achetés TTC, 3 000 € seront déduits de la créance. L’agriculteur aura donc 7 000 euros à payer.

Selon les estimations du négociant, les trois quarts des agriculteurs devraient avoir compensé 80 % de leur créance d’ici à octobre 2017, selon ce protocole. Mais pour la FNSEA, qui coordonne une action collective, « rien ne peut garantir que ce protocole sera exécuté ».

Pour connaître les procédures de remboursement total, il faudra attendre le vote d’un plan de continuation, pas avant six mois. La période d’observation de l’entreprise en redressement judiciaire a été prolongée jusqu’au 20 janvier.

De mauvaises positions sur le Matif

Comment ce négociant, implanté à Mortemer (Seine-Maritime) depuis plus de 10 ans, qui collecte près de 200 000 tonnes de grains, avec un chiffre d’affaires de 70 M€, a-t-il pu être mis en redressement judiciaire ?

En 2011, Daniel Van Hulle fait entrer son fils Matthieu dans l’entreprise qu’ils gèrent ensemble. Au cours de l’hiver 2016, Matthieu Van Hulle contracte des engagements sur le marché à terme, avec du blé à 11 % de taux de protéine. Mais la qualité n’est pas au rendez-vous. Le blé ne peut être valorisé qu’en blé fourrager. Au même moment, le négociant doit faire face à un « défaut de couverture ». Autrement dit, un décalage des prix entre les positions prises sur le Matif et le marché physique. Il est ponctuellement en défaut de trésorerie.

Gestion trop risquée ? Pour Matthieu Van Hulle, « c’est la conjoncture de différents événements au même moment qui nous a conduits à cette situation ».

Pour retrouver de la trésorerie, le négociant propose des contrats très attractifs aux agriculteurs, comme l’explique Alain (1). « L’hiver 2016, j’ai signé un contrat de blé avec un acompte à 120-130 €/t, puis un complément de 40 à 45 €/t payable en juillet. Il m’a bien réglé l’acompte en février, mais pour le complément… il était en redressement judiciaire et j’attends toujours ».

Sénalia, union de coopératives qui exporte des céréales à partir du port de Rouen, a également eu des déboires avec le négociant normand. « Nous avons rencontré des problèmes avec la société Van Hulle au sujet du transfert de propriété qui n’ont pas été émis par nos services », explique Gilles Kindelberger, le directeur général de Sénalia.

Le logisticien du Grand port maritime a porté plainte pour « faux et usage de faux » à l’encontre de Van Hulle, à deux reprises les 10 et 13 juin. Pour l’instant, aucune suite judiciaire n’a été donnée.

Aude Richard

(1) Les prénoms ont été changés.