Avec l’arrivée des récoltes abondantes de l’hémisphère Sud en céréales à paille et l’absence d’alerte météo sur le maïs en Amérique du Sud, les marchés céréaliers encaissent une mise sous pression supplémentaire.

En blé, les cours français sur le marché physique se replient de 3 à 5 €/t cette semaine, en sympathie avec les prix mondiaux. La moisson australienne est en plein développement et la récolte pourrait décrocher un nouveau sommet du fait de rendements exceptionnels. Plusieurs observateurs évoquent une production supérieure à 30 millions de tonnes (Mt). La récolte argentine a aussi démarré. Dans ce pays, le redressement des surfaces de blé, favorisé par la politique libérale du président Macri, va entraîner une hausse de la production et donc offrir un disponible exportable très conséquent. Par ailleurs, la neige qui arrive aux États-Unis est bénéfique pour la protection des champs de blé. Pendant ce temps, les exportations de la Russie montent sérieusement en puissance, avec environ 2,7 Mt en novembre, soit un record historique pour ce mois de l’année.

Cela confirme que, du fait d’une récolte exceptionnelle et d’un démarrage poussif, les exportations russes vont certainement se maintenir à un rythme très élevé pendant la quasi-totalité de la campagne, maintenant les prix sous pression. Il semble toutefois que les disponibilités russes, cette année, comportent une grande partie de blé de qualité moyenne à mauvaise. Cela devrait donc limiter toute tendance à la hausse pour ces catégories de blé (fourrager et meunier de basse qualité), mais cela n’exclut pas un potentiel de hausse pour les qualités de blé supérieures (notamment plus de 12,5 % de protéines). Il faudra maintenant surveiller des près les mesures sanitaires qui seront prises dans le sud de la Russie, zone clé pour l’exportation des grains, faisant suite aux cas déclarés de peste porcine. Elles pourraient fortement perturber l’exportation en cas de mesures draconiennes sur le transport des grains. L’état qualitatif des récoltes de l’hémisphère Sud sera un autre élément déterminant pour les prix des différentes catégories de blé.

En orge, le lancement d’un appel d’offres de 960 000 tonnes par le Sago, l’office étatique de l’Arabie Saoudite, qui a repris la main sur les importations d’orge du pays, n’a guère ému les marchés. En France, l’orge fourragère subit même la pression du blé, cédant 4 €/t en Fob Moselle. Petit élément positif toutefois : les chargements d’orge française ont repris timidement après une interruption totale, notamment vers l’Arabie Saoudite et l’Afrique du Nord, ce qui permet au rendu Rouen de rester stable. L’orge de brasserie résiste (+1 €/t en variété de printemps). Sur la Chine, l’Australie reste l’origine la plus compétitive. Et ce n’est pas parti pour s’arranger : comme en blé, la récolte s’annonce extrêmement élevée.

Les prix du maïs sont eux aussi moroses, en repli pour à peu près toutes les origines mondiales. En France, où la récolte est très mauvaise, les prix hésitent entre stabilité (Fob Rhin) et baisse (–3 €/t Fob Bordeaux et rendu La Pallice). Le marché mondial du maïs est toujours placé sous le signe de la lourdeur pour la campagne qui débute, avec une excellente récolte US et des cultures sud américaines qui se développent pour l’instant dans de bonnes conditions.

Oléagineux : sursaut du prix des graines avec le pétrole en soutien

Le prix des oléagineux est une nouvelle fois sur la pente ascendante cette semaine, porté cette fois par un rebond du prix du baril de pétrole. En effet, les pays membres de l’Opep se sont finalement entendus cette semaine pour restreindre leur production de brut, afin de rééquilibrer le marché et réduire les stocks de pétrole. Le cours de l’or noir s’est alors envolé, gagnant plus de 8 % sur la journée de mercredi. Malgré une petite correction hier, le prix du pétrole est en hausse de plus de 3 $ (ou 7 %) à New York sur la semaine, à 49,4 $ le baril.

Le prix du colza hexagonal gagne ainsi 5 €/t au cours de cette semaine. Toutes les cotations profitent de cette remontée, que ce soit sur Euronext, à Rouen ou en Moselle. Le prix du canola canadien augmente aussi un peu (+2,5 US$/t). La récolte semble enfin toucher à sa fin dans les prairies de l’Ouest canadien, où le mois de novembre plutôt doux avait permis de rouvrir l’accès aux champs, bloqués sous la neige inhabituellement arrivée en octobre. L’ensemble des opérateurs s’accorde sur une récolte exceptionnelle, autour de 19 Mt, qui pourrait ne pas être trop pénalisée par des problèmes de qualité liée à l’humidité de la fin de cycle.

Le prix du tournesol progresse également de 5 €/t par rapport à la cotation du 25 novembre, à 375 €/t rendu Saint-Nazaire. Les rythmes de transformation industrielle de la graine sont très soutenus, tant dans l’Union européenne que chez ses voisins de la mer Noire. Cela contribue aussi à soutenir les cours malgré une récolte record. La graine de soja à Chicago reste sur le banc de touche, sa cotation rapprochée stagnant à 380 $/t. L’abondance de la récolte US – exceptionnelle – limite l’impact de la décision de l’Opep sur le prix des graines US. Par ailleurs, en Amérique latine, les conditions climatiques restent favorables au développement des cultures. En Argentine, les semis de soja sont réalisés sur presque la moitié des surfaces prévues, et l’humidité des sols s’est améliorée avec les pluies tombées cette semaine. Seul le quart sud-est de la province de Buenos Aires reste trop sec. Au Brésil, malgré quelques poches de sécheresse, l’optimisme reste de mise parmi les opérateurs. Pour l’instant, rien ne vient remettre en cause la prévision de production de plus de 100 Mt de soja attendue en 2017 dans ce pays.

Protéagineux et tourteaux : affaissement

Les prix des tourteaux de soja reculent de 6 €/t à Montoir cette semaine, et de 6 $/t sur le marché de Chicago. Les rythmes élevés de production de tourteaux de soja, liés à de bonnes disponibilités et à des marges industrielles rentables jusqu’ici, pèsent sur les prix. Les conséquences de l’émergence de nombreux foyers de grippe aviaire hautement pathogène un peu partout en Europe, et hier dans le Tarn, inquiètent les professionnels. Le rétablissement du secteur palmipède en France est en partie remis en cause, les exportations de viandes et foies gras souffrant directement de la résurgence, même localisée, de l’épidémie. Le prix des pois fourragers départ Marne est inchangé cette semaine, à 220 €/t.

À SUIVRE : récoltes australienne et argentine en céréales, évolution des mesures mises en œuvre en Europe et en Russie suite à l’émergence de la grippe aviaire et de la peste porcine, dynamisme des exportations de blé russe, semis et conditions de culture en Amérique du Sud, rythme des exportations du Canada (colza) et des USA (soja), conditions hivernales pour le colza en Europe et mer Noire.

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