Selon Benoit Daviron, chercheur au Cirad, « nous sommes passés d’une économie solaire à une économie minière ». « L’exploitation du charbon, puis du pétrole au XIXe siècle, a transformé totalement l’agriculture. Cette logique minière a conduit à des déplacements des agriculteurs migrants vers des terres vierges, abandonnées quand les sols étaient épuisés. L’animal qui servait au transport, mais qui apportait aussi de la laine, du cuir, du gras, et de la viande a été réduit à un apport de viande. L’énergie fossile qui a apporté tracteurs, engrais, pesticides a désintégré les élevages que l’on connaissait. L’agriculture familiale est devenue la norme. Et même aujourd’hui quand on parle de biomasse, on parle d’une sorte de minerai », estime le chercheur, pour qui le problème majeur de cette conception de l’économie est les déchets produits.

Catherine Larrère, philosophe, poursuit. Elle estime que l’on manque de grands récits mobilisateurs pour sortir de la crise. Nous serions passés depuis la révolution industrielle du XIXe siècle à l’époque anthropocène : l’homme maîtrise l’évolution de la planète pour le meilleur, selon ceux qui croient pouvoir l’inverser, y compris la dégradation du climat ; pour le pire, selon les catastrophistes qui pensent vivre l’effondrement du système et l’altération définitive de la terre. Selon la chercheuse, il faut revenir au local, trouver ce qui donne un sens à notre action. « Soulignons la relativité des situations, sans excès d’optimisme, ni de catastrophisme », déclare-t-elle.

Enfin, pour le philosophe Olivier Assouly, l’erreur majeure aura été de réduire l’agriculteur à sa capacité à nourrir la planète. « L’activité agricole a aussi une valeur sociale, et morale. L’agriculteur a aussi une fonction formatrice. » L’agro-industrie a court-circuité le système social, effacé le travail humain. Cela va à l’encontre de la confiance en ce mode de production, estime-t-il. Face à ce modèle de dissociation, existe aussi un modèle de ré-association qui intègre l’environnement et la relation à l’animal. Ces mouvements (bio, Amap, circuits de proximité) sont minoritaires mais très puissants car ils s’adaptent aux enjeux de l’époque.

Moment d’optimisme prolongé par Gérard Peltre, président du Mouvement européen de la ruralité : « Le monde rural est une terre de diversité, une terre d’entrepreneurs qu’il ne faut ni assimiler ni opposer au rural. »

Marie Gabrielle Miossec