La décision prise au début de juillet par le conseil d’administration de la Cooperl de s’affranchir du prix du Marché du porc breton (MPB) pour rémunérer les coopérateurs, ne passe décidément pas. Au point que des adhérents ont protesté, et que la coopérative a dû se justifier dans un courrier que nous avons évoqué mercredi.

Au point aussi qu’un groupe d’adhérents restés anonymes lâche une salve de reproches dans un courrier diffusé auprès de leurs collègues, et qui a été transmis dans la journée de mercredi à La France Agricole. Ce groupe exige en particulier la démission du directeur de la coopérative, Emmanuel Commault. Les éleveurs l’accusent « d’incohérence dans le discours » car il soutenait l’an dernier « qu’il y a une seule et unique règle, celle du marché », avant de tenir « le discours inverse » quand « le cours commence à monter ».

« En instaurant de nouvelles règles de calcul pour le prix du porc, ce sont une nouvelle fois les éleveurs qui sont pénalisés, expliquent-ils. Depuis le 1er janvier 2016 jusqu’à la semaine 28, il manque à tous les éleveurs livrant à la Cooperl 1,6 centime d’euro/kg sur tous nos porcs commercialisés par rapport au MPB. Depuis dix semaines (semaine 19) que le cours monte significativement c’est 3,6 centimes d’euro qu’il manque sur chaque kg. » Ils calculent que, « à raison de 110 000 porcs par semaine cela représente pour la coopérative depuis le début d’année plus de 4 500 000 euros de trésorerie qui devrait être sur les comptes des adhérents. C’est une somme colossale puisque c’est quasi le résultat de l’exercice 2015. »

« Incohérence sur la stratégie »

Mais les bases mouvantes de fixation du prix ne sont pas le seul reproche. « Une telle incohérence dans le discours est le simple reflet de l’incohérence constatée dans la stratégie de la coopérative depuis quelques années. » En particulier, ils remettent en cause les choix d’investissements, tels que Les boucheries Aurélien, mais aussi un projet de méthanisation, alors que « la coopérative devrait se concentrer plutôt à investir pour moderniser son outil d’abattage vieillissant et bientôt obsolète. Sans parler des magasins Calipro, la fabrique d’agglos, ou encore les revers essuyés en Russie », énumèrent-ils. Sans compter que la Cooperl a « vendu de l’aliment trop cher ».

« Il faut arrêter de tourner autour du pot : la coopérative est mal gérée ! » Et face à ce constat, la décision qui s’impose « est de remercier le directeur actuel ». Mais Emmanuel Commault n’est pas le seul en ligne de mire, puisque « les éleveurs qui constituent le conseil d’administration auront tôt ou tard à rendre des comptes à leurs éleveurs », indique le courrier.

« Offusqué » par cette décision

Ces protestataires ne sont visiblement pas les seuls à être mécontents. Les choix de la coopérative interpellent de plus en plus d’éleveurs. Y compris Joël Limouzin, adhérent de la Cooperl et vice-président de la FNSEA, qui s’est dit « offusqué » par cette décision de se déconnecter du MPB, d’autant qu’elle s’ajoute au refus de la coopérative d’adhérer au fonds porcin. Pour lui aussi, « il n’est pas possible d’afficher une posture d’un prix de marché en 2015, et de le bloquer ensuite en 2016. » Il confirme qu’il y a eu « beaucoup de réactions de la part des éleveurs » et que le courrier « corrobore » ce que nombre d’entre eux pensent.

Pour Joël Limouzin, « il doit y avoir un retour aux éleveurs, qui ont besoin de se refaire une trésorerie ». Cet épisode met en évidence « une discorde totale entre les administrateurs et les adhérents. Il y a un problème de stratégie que les éleveurs ont besoin de connaître, explique-t-il. Il faut demander des comptes aux professionnels, que ces derniers reprennent la main. »

Quant aux éleveurs auteurs de ces lignes incendiaires, ils ont expliqué à La France Agricole avoir « écrit ce courrier dans un but d’informer les adhérents de la Cooperl, pour leur faire prendre conscience de ce qui se joue dans notre coopérative […] et échanger pour savoir quelle suite donner au mouvement ».

Réaction du président de la Cooperl

Patrice Drillet, président de la Cooperl, a indiqué vendredi à La France Agricole qu’il « ne souhaite pas réagir à ce courrier qui n’est pas signé. D’une part, parce qu’il est anonyme, et que je n’ai pas du tout l’intention de réagir à un courrier anonyme. D’autre part, parce que l’AG a eu lieu il y a moins d’un mois et que ce n’était pas le ton donné pendant les réunions préparatoires, ni pendant l’AG plénière ». Enfin, il précise que « ce courrier est chargé d’inexactitudes et de fausses informations ».

Elsa Casalegno