L'enrubannage de luzerne peut remplacer le tourteau dans la ration à base de blé des génisses de type « babynette ». Il faut cependant allonger l'engraissement de 44 jours car les croissances sont inférieures d'environ 200 g par jour. Ce sont les résultats des essais conduits à la ferme expérimentale Arvalis de Jeu-les-Bois, dans l'Indre.
- Les performances. « Avec l'enrubannage, la ration est beaucoup moins concentrée en énergie », souligne Thierry Foussier, de la ferme expérimentale. Cela limite les performances de croissance. Le fourrage représente toutefois une précieuse source en protéines et contribue à une meilleure autonomie de l'exploitation.
Dans l'essai, les génisses ont consommé en moyenne 4,5 kg de MS d'enrubannage par jour, avec 4 kg de blé. Aucun tourteau n'a été ajouté. Le lot « témoin » en ration sèche a mangé 1 kg/j de tourteau de colza et 1 kg/j de tourteau de tournesol. « Nous diversifions les sources protéiques car le tourteau de tournesol apporte des fibres, souligne Thierry Foussier. C'est indispensable pour le transit. Mais comme ce tourteau de tournesol manque d'énergie, nous le couplons avec un tourteau de colza, pour disposer d'un mélange protéique plus équilibré en énergie et en fibres. »
- Un enrubannage aux qualités modestes. « L'enrubannage de luzerne utilisé lors de l'essai n'était pas d'excellente qualité. « Nous ne pouvons pas en cultiver sur l'exploitation car nos terrains sont trop humides et lourds, précise Thierry Foussier. Nous l'avons donc acheté chez un producteur de luzerne porte-graines. » Après analyses, les valeurs affichaient 0,65 UFL/kg de MS, avec 130 g de PDIN et 56 g de PDIE/kg de MS. « Récolté dans de meilleures conditions, le fourrage peut gagner en richesse, de l'ordre de 0,1 UFL de plus », souligne Thierry Foussier. De quoi améliorer les performances.
L'essai a englobé un troisième lot nourri avec un enrubannage de RGA produit sur la ferme. Les jeunes femelles l'ont consommé à volonté avec 3 kg de blé et la même quantité de correcteur azoté que la ration sèche. Les performances de ces génisses sont intermédiaires aux deux précédentes en termes de croissance. Leurs GMQ est inférieur à 117 g à ceux du lot témoin en ration sèche.
Dans les trois cas, les performances à l'abattage sont comparables. La note de conformation est de R+ ou R= et l'état d'engraissement de 3. Aucune différence n'a été observée au niveau des couleurs des gras et des viandes à l'abattoir.
ECONOMIES
L'intérêt économique de l'engraissement reste très lié au prix des matières premières. Plus le blé est cher et plus la ration à base d'enrubannage est intéressante. Avec un enrubannage acheté 110 €/t de MS, un blé à 180 €/t, un tourteau de colza à 251 €/t et un tourteau de tournesol à 224 €/t, le régime « enrubannage de luzerne » revient à 297 €/tête pour la durée d'engraissement. La ration sèche coûte 275 €/tête. Cela explique le décalage de la marge brute, à l'avantage du régime sec : 234 euros contre 212 euros par génisse.
Les résultats du régime « enrubannage de RGA-TB » sont intermédiaires. Si l'on évalue son coût d'achat à 90 €/t de MS, le coût alimentaire pour la période d'engraissement est de 282 €/tête, pour une marge brute de 227 €/animal.
- Les résultats s'équilibrent. Avec un prix des matières premières en hausse de 20 % (1), la marge brute des différents régimes est comparable. Le coût alimentaire de chacune des rations est voisin de 320 €/animal, pour une marge brute autour de 180 €/génisse.
- Rémunération du travail. Une fois retirés les frais vétérinaires (25 €/tête), le coût de la mortalité (15 €/tête), les charges de mécanisation et du bâtiment (0,53 €/j/animal), la paille (0,14 €/j/animal) et les frais financiers, la marge par animal s'effondre. Elle est de 65 €/animal pour la ration sèche, 36 €/tête pour la ration avec enrubannage de RGA et TV et de 9 €/tête pour celle avec l'enrubannage de luzerne.
Cette marge sert donc à rémunérer la main-d'oeuvre. « Le travail pour la distribution des deux rations est comparable », souligne Thierry Foussier. L'enrubannage n'est pas plus gourmand en temps. Les balles sont à disposition en libre-service. Le temps passé par animal pour la durée d'engraissement est évalué à 3 heures par génisse sur toute la durée d'engraissement. Avec un Smic à 9,61 euros brut/h, la rémunération horaire permise par la marge est de 2,3 Smic pour la ration sèche, 1,3 Smic pour le régime RGA-TV et 0,3 Smic pour la ration à base d'enrubannage de luzerne.
- Personnaliser le calcul. Les résultats restent à replacer dans le contexte de chacun. Les frais de mécanisation ou de bâtiment sont variables d'une exploitation à l'autre et parfois nuls.
« L'incorporation d'enrubannage de luzerne ou de RGA-TV n'est pas une solution adaptée aux ateliers d'engraissement de grande taille, estime Thierry Foussier. Elles sont exigeantes en surfaces. Ces rations conviennent davantage à ceux qui voudraient se lancer dans l'engraissement d'une partie de leurs broutardes. « Encore faut-il prévoir suffisamment de stock », prévient-il. Pour la finition de 25 génisses par exemple, il faut prévoir 4,46 ha de luzerne et 3,6 ha de blé (2). C'est autant qu'il faudra retirer pour le cheptel de souche.
Avec de l'enrubannage de RGA-TB, il faut compter 7 ha de fauche précoce et 2,7 ha de blé (3). « Il ne faut pas oublier que la luzerne est aussi une excellente tête de rotation », insiste Thierry Foussier. C'est un atout difficilement quantifiable. Il représente une économie en azote non négligeable.
(1) Dans cette hypothèse, le prix du blé est de 216 €/t, celui du tourteau de colza de 301 €/t et celui du tourteau de tournesol de 269 €/t. Le complément minéral vitaminé reste à 390 €/t.(2) Dans l'hypothèse où le rendement de la luzerne atteint 7 t de MS en deux coupes et avec un rendement du blé de 55 q/ha.(3) Le rendement en fauche précoce doit être de 3 t de MS du mélange RGA-TB.