C'est comme un rituel : à chaque rentrée, Jean-Robert Moronval, professeur d'agronomie au lycée Edouard de Chambray à Gouville, dans l'Eure, emmène ses nouveaux élèves au champ. « Je commence toujours l'année par une approche de terrain sur l'exploitation du lycée, explique-t-il. Là, je leur demande d'observer la parcelle agricole ainsi que l'ensemble du paysage. »

INCITER À L'OUVERTURE

Par ces sorties, qui serviront plus tard à appuyer ses cours théoriques, cet enseignant de trente ans d'expérience apprend aux jeunes à « porter un regard différent sur les sols », en appréhendant tous les éléments qui entrent en interaction avec l'activité agricole : les haies, la faune, les herbes, les effets des labours... « Il faut qu'ils apprennent à voir les parcelles autrement que comme un simple outil de production, qu'ils comprennent les conséquences de leurs actions sur le territoire. »

Son objectif : inciter les élèves à s'ouvrir à la diversité des techniques agronomiques (étude des « agroécosystèmes », caractéristiques biotechnologiques...). « Ils feront leurs propres choix plus tard, en fonction de leurs convictions et de leurs impératifs professionnels. Si on les éduque dans un système figé, on ne leur permettra jamais d'évoluer », estime-t-il.

COTOYER LES CHERCHEURS

« Former et se former » pourrait être la devise de notre professeur. « Les enseignants ne peuvent pas se permettre de rester enfermés dans leur classe, lache-t-il. Les lycées agricoles doivent servir de vitrine, en ayant toujours une longueur d'avance sur les méthodes culturales. » Depuis le plan Ecophyto de 2008, Jean-Robert a intégré un « réseau mixte technologique » (RMT), une structure de recherche consacrée aux systèmes de culture innovants. « Je cherchais une manière différente d'enseigner. Le contact avec les chercheurs me permet de développer en salle de classe une approche spatiale et temporelle de la matière, en plus d'une dimension sociale. »

Jean-Robert apprécie le champ libre que les programmes lui laissent. « Il ne faut pas hésiter à aller voir des agriculteurs innovants, qui ne produisent pas forcément le trio standard colza-blé-orge mais qui cherchent des productions adaptées à leur territoire, notamment vis-à-vis des ressources en eau. »

« Un enseignement situé, pour une agriculture située », aime-t-il à répéter. Selon lui, « la génération d'agriculteurs qui arrive reste contrastée. Cependant, on la sent beaucoup plus ouverte à ces questions qu'il y a encore quelques années. »