Longtemps considérée comme un pays pour « agri-explorateur », la Roumanie est aujourd’hui « victime » de son succès. L’entrée dans l’Europe en 2007 a considérablement changé le paysage agricole du pays. « Les subventions de la Pac nous ont donné de la visibilité dans le temps. Le FMI et l’UE ont fait pression sur les institutions, ce qui a assaini l’ensemble du système en éradiquant la corruption à tous les niveaux. Nous nous sommes professionnalisés et nous gagnons mieux notre vie, ce qui fait qu’il n’y a plus de terres libres. Un agriculteur français qui voudrait s’installer aujourd’hui devrait reprendre une exploitation existante et négocier des prix de reprises qui n’existaient pas jusqu’à maintenant », indique Arnaud Perrein, agriculteur français installé près de Slobozia depuis 1992.

Entre 3 000
et 6 000 €/ha

Chaque hectare se négocie aujourd’hui entre 3 000 à 6 000 € à l’achat, contre 500 €/ha il y a 10 ans. « Ce prix peut encore paraître bas, mais nous produisons 50 q/ha de moyenne en blé, et avec le climat semi-continental, nous ne récoltons rien une année sur dix », ajoute l’agriculteur. L’époque où Arnaud Perrein, son diplôme d’ingénieur agricole en poche, est venu s’installer avec comme seul capital deux moissonneuses et deux tracteurs d’occasions, est révolue. « Je suis arrivé à l’âge de 23 ans alors que j’étais en service militaire en entreprise, puis j’ai commencé par faire de la prestation. Après la révolution de 1990, les besoins étaient énormes, beaucoup d’anciennes fermes d’Etat étaient gérées par des associations qui faisaient faillite. Nous pensions qu’en cinq ans nous roulerions sur l’or, mais cela n’a pas été du tout le cas ! L’exploitation n’est rentable que depuis huit ans. Près de 80 % des étrangers venus avec leur matériel sophistiqué en voyant trop grand sont vite repartis. J’ai commencé lentement avec au départ 13 ha, puis 70 ha… C’est sans doute pour cette raison que je suis encore là, car j’ai bien appréhendé l’environnement dans lequel j’évoluais avant d’investir plus », se remémore le gestionnaire.

Il cultive désormais 3 500 ha et doit gérer de nombreux contrats de location, puisque les propriétaires possèdent en moyenne 3,5 ha. « Nous les payons en nature 900 kg de blé/ha », lâche l’exploitant. Chaque année, pendant une semaine, c’est ainsi près de 600 t de grains qui sont distribuées à des centaines de personnes dans des sacs de 50 kg. « L’autre partie est donnée en maïs et en cash », précise l’agriculteur, qui a réussi son pari. Marié avec une Roumaine et père de trois enfants, il vit épanoui dans son « Far Est » d’adoption.