A Minerbio, à quelques kilomètres de Bologne, en Italie du Nord, Paolo Bertuzzi, 52 ans, exploite avec son frère Romano une ferme de 470 ha, dont 445 ha en grandes cultures. Le fils de Paolo, Giovanni, 25 ans, vient de les rejoindre sur l’exploitation familiale. La ferme entièrement à plat est irriguée à 80 % par l’eau du Pô qui coule à une trentaine de kilomètres de chez eux.
L’eau est acheminée par le jeu de canaux creusés il y a plus de cinquante ans, afin d’arroser l’ensemble des plaines agricoles autour du fleuve. Pour cela, les Bertuzzi doivent s’acquitter, auprès du consortium qui gère l’irrigation, d’un droit annuel d’environ 10 000 €. « Le fait de disposer de l’irrigation nous laisse un large choix dans les cultures que nous pouvons implanter, explique Paolo Bertuzzi. Nous avons opté pour des productions qui valorisent bien l’irrigation, comme le maïs, les betteraves sucrières ou les pommes de terre, mais nous irriguons aussi les céréales si nécessaire. Les précipitations s’élèvent dans la région à environ 450 mm par an et elles ne sont pas toujours bien réparties au cours de l’année. » Grâce à l’irrigation, leurs rendements atteignent en moyenne 100 q sec/ha en maïs grain, 15 t/ha en maïs doux, 56 à 64 t/ha en betteraves, 90 q/ha en sorgho, 75 à 80 q/ha en blé tendre et blé dur et 40 t/ha en pommes de terre. En 2014, ils ont battu leur record de rendement en betteraves, avec 81 t/ha, mais ce ne sera pas le cas en 2015.
« Revers de la médaille, le foncier est très cher »
Cependant, un revers à cette médaille se retrouve dans le coût du foncier. « La terre est très chère, il faut actuellement compter aux alentours de 30 000 €/ha pour acheter une parcelle irrigable, constate l’agriculteur italien. Nous ne sommes propriétaires que d’un tiers de l’exploitation, et louons le reste au prix de 700 à 1 000 €/ha. » Leurs terres sont pourtant très hétérogènes avec des limons, mais aussi des sols parfois très argileux, et l’exploitation est drainée sur 350 ha. « Certains sols sont très difficiles à travailler, souligne Giovanni. Nous les labourons profondément, en général sur 45 à 50 cm, avec une charrue trois socs. En raison de l’irrigation et des températures élevées, les betteraves sont aussi très sensibles aux maladies et aux parasites. Nous sommes obligés d’implanter des variétés résistantes à la rhizomanie et aux nématodes, comme Comanche de SesVanderHave. Heureusement que les semenciers ont réussi à sélectionner de telles variétés. »
Le blé dur est la culture la plus rentable sur l’exploitation. « Nous en cultivons essentiellement pour la production de semences, ce qui nous apporte une prime de 50 €/t en plus des 320 ou 330 €/t payés pour le blé dur de consommation, précise Paolo Bertuzzi. Le blé tendre et le maïs grain ne sont plus rentables dans les exploitations comme les nôtres. Les produits qui sont devenus des commodités, et qui font l’objet d’échanges à l’échelle mondiale, n’ont plus d’intérêt pour nous. Nos coûts de production sont trop élevés, il nous faut nous focaliser sur les cultures pour lesquelles nous sommes moins confrontés à la concurrence internationale, comme le blé dur, les pommes de terre ou les semences. » Paolo et Giovanni Bertuzzi déplorent aussi l’effondrement des cours de la betterave. « Il y a quelques années, c’était une culture très rentable sur l’exploitation. Mais avec la réforme de la Pac, les prix ont fortement chuté, indiquent-ils. En 2013, nous avions encore obtenu un prix de 50 €/t, mais pour les récoltes 2014 et 2015, il ne sera pour nous que de 40 €/t. Avec la disparition des quotas, si le prix descend sous la barre des 40 €, nous ne ferons plus de betteraves. » Les 40 €/t qu’ils perçoivent de leur sucrerie, se décomposent en un prix de base de 26,50 €/t, une aide couplée italienne de 8 €/t et une prime de la sucrerie pour le transport des betteraves.
S’occuper soi-même du transport n’est pas une obligation . Mais Paolo et Romano Bertuzzi ont préféré investir dans une petite grue et un camion de 30 t pour le réaliser eux-mêmes jusqu’à la sucrerie à 5 ou 6 km, que d’investir dans du matériel de récolte. « Les entrepreneurs nous arrachent nos betteraves pour 230 €/ha, ce ne serait pas rentable de posséder notre propre matériel, ajoute le producteur italien. Il en est de même pour la récolte du blé, du maïs et du sorgho, qu’ils nous facturent 15 €/t. »