A la sortie d'Uriage, dans l'Isère, la petite ferme de Montgardier s'accroche aux premières pentes du massif de Belledonne. L'altitude est faible mais la déclivité du terrain ne laisse aucun doute : nous sommes en zone de montagne. La ville repousse l'agriculture sur les pentes, elles-mêmes rongées par la friche car la spéculation foncière dissuade les propriétaires non exploitants de céder du terrain. Cette pression foncière n'a pas facilité l'installation hors cadre de Josée Argoud-Puy, il y a quinze ans.
BASSIN DE CONSOMMATION
« La proximité de la ville est aussi un atout », souligne Yves, son conjoint collaborateur. Ce bassin de consommation, où les touristes prennent le relais des locaux lors des vacances, leur permet de vendre toute leur production en direct. Un choix autant qu'une nécessité économique, pour vivre à deux sur sept hectares (non mécanisés). « On doit dégager le plus de marge possible : produire de la qualité, réduire les intermédiaires et éviter les déchets en transformant tout ce qui n'est pas vendu en frais », explique Josée. Avec seulement 900 €/an pour leur atelier bio (pas assez d'UGB pour l'ICHN), ce ne sont pas les aides Pac qui font tourner la boutique mais la valorisation des produits : miel de montagne, pâté et saucisson de porc « plein air », viande d'agneau bio, cueillette à la ferme, confitures et sirops...
En l'absence de filière AOC-AOP sur le massif, à chacun de mettre en valeur ses produits. « Le réseau des "Fermes de Belledonne" permet de mutualiser les actions de promotion, de communication et de formation, apprécie Josée. Dans ce massif tout en longueur, où la communication est difficile, cela permet d'avoir des liens avec d'autres agriculteurs. »
A une heure de route, Jean-Pierre Cottin, gérant de la ferme de la Grangette, approuve. Hors cadre lui aussi, il s'installe en 1992 avec un associé sur une ferme bâtie par la commune de La Chapelle-du-Bard, confrontée au déclin de l'agriculture et à l'enfrichement. Aujourd'hui, ils sont quatre associés à y vivre avec 240 000 litres de lait transformés en fromage, 400 veaux par an, quelques génisses et vingt cochons.
« On crée de l'activité, on consomme localement mais notre plus grand rôle pour la collectivité, c'est l'entretien de l'espace », note Jean-Pierre. Qui a du mal à faire comprendre aux élus que si l'activité agricole permet d'entretenir les pentes, « elle a besoin, pour être économiquement viable, de disposer aussi de quelques terrains plats ».
Du plat, il y en a peu à la ferme de la Grangette. Sur 80 ha tout en herbe, seuls 30 sont mécanisables. Ailleurs, impossible de passer une faucheuse ou un épandeur et le débroussaillement ne peut être que manuel.
TAILLE LIMITÉE
« A 550 m d'altitude, l'hiver dure six mois pendant lesquels il faut enfermer les vaches, explique l'éleveur. Il faut donc de gros bâtiments pour les animaux, le foin, le fumier... D'autant plus coûteux qu'un terrassement est nécessaire. » Ce qui freine l'agrandissement des exploitations, fin des quotas ou pas.
Si la Pac apporte un soutien crucial (40 000 €, essentiellement d'ICHN), l'équilibre économique passe surtout par la valorisation des produits. « Avec 50 vaches, la vente de lait à la coopérative ne ferait même pas vivre une personne. Alors que la transformation et la vente directe permettent d'être à plusieurs sur l'exploitation, donc de dégager du temps libre et d'avoir des échanges. C'est important dans les lieux isolés sans Cuma, sans entraide possible... En plus de créer du lien avec les consommateurs. »
En gravissant le raidillon qui mène à la pâture, Jean-Pierre désigne la lisière du bois : « Qui dit forêt dit aussi cerfs et sangliers, qui prennent nos parcelles pour des dortoirs et des cantines ! » Mais que les choses soient claires : « Cette ferme n'est pas un héritage : on est ici parce qu'on l'a choisi ! »