Gérer une auberge en plus de son élevage de vaches aubracs offre à Mathieu Romain un complément de revenu. Cela lui permet aussi de valoriser une partie de sa viande, essentiellement vendue en direct. Les semaines où il faut aussi gérer la fauche et la déclaration Pac, il regrette de n'avoir que 24 heures dans la journée... Cependant, il trouve quand même le temps de faire admirer le panorama depuis le point culminant de son exploitation.

Située à 1 200 m au coeur du parc national des Cévennes, celle-ci compte 80 ha dans la vraie vie mais 72 ha sur le papier, après proratisation des surfaces pastorales. Cette subtilité de la nouvelle Pac réduit en moyenne de 20 % la surface admissible des exploitations de Lozère, et jusqu'à 50 % dans les Cévennes où prédominent roches et fougères.

SUPPORTER LA NEIGE

Le débroussaillement, à recommencer tous les trois-quatre ans, a un coût. Les bâtiments aussi. Amaury Souchon, de la chambre d'agriculture, confirme : « On arrive à des investissements de 600 000 € pour 80 places ! A cause de la neige, il faut des charpentes plus solides et des toitures plus pentues. Les besoins de stockage pour le fourrage et les déjections sont aussi supérieurs car les animaux passent six mois en bâtiment. En outre, les éleveurs doivent constituer leurs stocks tôt car ils risquent de ne plus pouvoir se faire livrer à cause de la météo. » Sans parler des coûts d'isolation.

Le bâtiment de Mathieu, conçu pour résister à 3 m de neige, lui a coûté pas loin de 200 000 €€pour 32 places à l'attache. Le système fumier qu'il a choisi est plus avantageux que le lisier pour le stockage et l'épandage, mais la paille achetée en plaine revient cher. Cultiver ses céréales serait toutefois impensable en raison du manque de terres mécanisables et de la prolifération du gibier, parc naturel oblige. « Les entreprises de récolte, qui travaillent surtout en plaine, sont équipées de barres de coupe trop larges pour nos routes, ajoute l'éleveur. Et sur nos parcelles, le temps de travail plus long fait grimper le tarif. » Ces difficultés d'accès posent d'ailleurs le souci de la collecte pour les exploitations laitières du département, qui compte en revanche plusieurs outils d'abattage.

Les contraintes ne sont pas que naturelles. En zone Natura 2000 et en plein coeur de parc national, Mathieu a dû passer par un parcours du combattant avant d'obtenir l'autorisation de dérocher, couper des arbres et dessoucher sur un hectare pour créer une prairie naturelle. D'autres limites, sur la fertilisation ou les dates d'intervention, se combinent mal avec les spécificités montagnardes. « Je ne peux entretenir mes parcelles qu'en dehors de la période d'estive mais certaines, à 1 400 m d'altitude, sont inaccessibles de mi-novembre à mi-mai. Comme certains travaux sont interdits en période de nidification, cela laisse des fenêtres très courtes pour intervenir ! »

MAE MOINS ATTRACTIVES

Il fut un temps où le classement en zone Natura 2000 apparaissait comme une chance grâce aux MAEt proposées. La disparition de la PHAE change la donne. Amputés du socle « herbe », les nouveaux contrats contiennent pratiquement les mêmes contraintes pour 60 € de moins en rémunération. Du coup, Mathieu n'a renouvelé qu'un contrat sur deux. « Je n'ai que 15 ha mécanisables et, avec les restrictions de fertilisation sur mes prairies de fauche, j'ai peur d'être coincé. Je préfère garder la possibilité de produire un maximum de foin. » Les années de sécheresse ou de gelées tardives, il est déjà obligé d'en acheter. Des aléas amplifiés par l'évolution du paysage, comme « l'avancée de la forêt sur le mont voisin, qui pompe beaucoup d'eau ».