Dans sa clinique de Cluis (Indre), Fabrice Fosse, vétérinaire, soigne du chat à la vache, en passant par le cheval et le chien. Ce matin-là, il rend visite à Bertrand Letessier, éleveur de limousines à Gargilesse (Indre). « Son taureau se déplace mal, explique le Dr Fosse. Du coup, il ne saillit plus les vaches. » Sur place, il constate que les jarrets de Frisson, le taureau, sont droits comme des i. Il marche sans fléchir ses pattes arrière. « Cela fait plusieurs jours qu'il traîne des sabots », détaille Bertrand. A la palpation du dos, Fabrice Fosse constate que l'animal associe un trouble musculaire à un blocage vertébral. « C'est une lombalgie à la fois musculaire et neurologique », tranche-t-il.

Diagnostic posé, il décide de ne pas entrer dans un protocole médicamenteux, et joue la carte de l'ostéopathie. « Le terme exact, c'est celui de médecine manuelle vétérinaire, ou MMV », explique-t-il. Dans un premier temps, Frisson ne sera donc soigné qu'avec les mains. Fabrice Fosse s'attaque d'abord au dysfonctionnement mécanique. Il recherche les zones chaudes et contractées. Grâce à plusieurs manipulations du dos, il libère les vertèbres du taureau. « L'objectif est de stimuler l'animal pour obtenir un contre-mouvement, reprend-il. C'est cette torsion qui vient normaliser l'alignement des vertèbres. »

L'ACUPUNCTURE POUR DÉGAGER LES TENSIONS

Une fois le reproducteur remis d'aplomb, le Dr Fosse va chercher quelques aiguilles. Mais celles-là ne se fixent pas au bout d'une seringue. « Je vais lui faire un peu d'acupuncture, note-t-il. Il reste des tensions musculaires à libérer. » Frisson est piqué avec quatre aiguilles : trois sur le dos, une sur l'antérieur gauche. Pourquoi l'antérieur gauche alors que l'animal boite de l'arrière ? Le vétérinaire y localise un point d'acupuncture connu pour ses actions sur le système musculaire. Les trois autres aiguilles sont implantées de sorte à provoquer un large relâchement musculaire. La technique s'apparente davantage à de la réflexologie. Quelques minutes plus tard, les aiguilles sortent seules, sous l'impulsion des muscles qui se détendent. A l'issue de la séance, le Dr Fosse injecte un complément en vitamine E et en sélénium. « Souvent, ces pathologies sont corrélées a une carence alimentaire », précise-t-il.

C'est la première fois que Bertrand fait appelle aux médecines douces. « Je n'y avais jamais pensé avant, assure-t-il. J'ai tenu à ce que le spécialiste en médecine manuelle se déplace, pour voir si ce souci pouvait être géré autrement qu'avec une piqûre. »

A quelques kilomètres de là, à Malicornay (Indre), chez Isabelle Ballereau, Clavecin, un autre taureau limousin, présentait les mêmes symptômes que Frisson. « Il y a un mois et demi, il ne mangeait presque plus, se souvient Isabelle. Il boitait. »

LIMITER LES INJECTIONS D'ANTI-INFLAMMATOIRES

Clavecin a été manipulé comme Frisson. Le blocage vertébral et les spasmes musculaires ont été réglés sans aucune injection d'anti-inflammatoires. « Après huit jours de repos, il s'est remis à saillir », affirme Isabelle, rassurée. Elle était d'autant plus inquiète que Clavecin est un taureau de concours et l'un des meilleurs reproducteurs de son élevage. « Certains anti-inflammatoires ont des effets délétères sur la fertilité, avise le Dr Fosse. Avoir une autre approche thérapeutique dans le cadre des affections locomotrices est une chance à ne pas négliger. »

Le cabinet étant implanté dans un bassin plutôt allaitant, les prises de rendez-vous se bousculent davantage à l'automne, au moment des vêlages. Fabrice Fosse manipule les veaux et les vaches : « La MMV permet de soigner des troubles d'anorexie du veau, liés à un trouble circulatoire cérébral. C'est aussi un moyen de travailler sur les problèmes locomoteurs causés par les vêlages forcés. Du côté des vaches, j'interviens sur les traumatismes postvêlages ou sur les pathologies locomotrices qui atteignent la colonne vertébrale, souvent suite à la saillie. »

Fabrice Fosse propose aussi de soigner par les plantes, grâce à la phytothérapie. « Je me suis lancé en 1998, se souvient-il. La demande s'est étoffée ces dernières années. Les éleveurs remettent en question les procédés chimiques, d'abord parce qu'ils souhaitent revenir vers des méthodes plus naturelles, ensuite parce que les prix des produits vont crescendo. »