« Je suis contente : mes trois enfants sont passionnés par l'agriculture », se réjouit Ghislaine Maire. Rien ne prédestinait cette Lyonnaise à la traite de montbéliardes. Elle perd très jeune ses parents et quitte l'école à 18 ans pour gagner sa vie. Elle fait mille et un métiers, souvent dans le service à la personne. Lorsqu'elle rencontre son mari en vacances en 1992. A l'époque, il est charpentier. Trois ans plus tard, il reprend la ferme de son père, à Flagey (Doubs), comme prévu. « J'ai tout de suite aimé les paysages, s'extasie encore Ghislaine Maire. Et tout en travaillant à l'extérieur, je faisais régulièrement la traite du soir. »

Quinze ans plus tard, l'entreprise de nettoyage qui l'employait ferme boutique. « J'ai arrêté en juillet. En septembre, à 37 ans, je me trouvais sur les bancs du centre de formation de Vercel. Je voulais connaître le pourquoi du comment de l'agriculture. C'est tellement complexe ! » Elle reprend une exploitation du village et crée avec son mari le premier Gaec entre époux du département. « Aujourd'hui, nous élevons 45 vaches laitières sur 90 ha et produisons 320 000 litres de lait à comté. »

PRÉSIDENTE D'UN GROUPE

Même si elle souligne avoir été très bien accueillie dans le village et sur l'exploitation de ses beaux-parents, Ghislaine constate la dureté du milieu : « Souvent, à la campagne, on ne s'autorise pas à dire : "j'ai besoin d'aide". Avec la MSA, nous avions organisé une réunion sur le stress mais sans convaincre. » Elle a eu davantage de succès avec la création d'un groupe de développement féminin (Gedaf). « J'ai appris à prendre la parole lors des rencontres Farah (lire l'encadré) entre agricultrices de Franche-Comté et de Suisse. Au Gedaf "Entre Loue et Lison", nous sommes 14 agricultrices de 25 à 50 ans à nous retrouver. Nous avons un thème professionnel à chaque réunion : accrocher les machines au nouveau tracteur, les huiles essentielles dans le troupeau... Nous ne parlons pas que de nos vaches ! On mêle vie privée et travail. »

Sur la ferme, Ghislaine gère la traite et les papiers, sauf quand il s'agit de la Pac, spécialité de son mari.

LE DROIT DE SOUFFLER

« En travaillant sur la ferme, je comprends mieux les soucis de mon mari. Ce n'est pas évident, le soir, de parler d'autre chose. Mais nous tâchons de finir vers 19 heures pour, de temps en temps, nous autoriser un cinéma avec les enfants. Depuis deux ans, nous nous donnons davantage le droit de souffler. Mon installation sur l'exploitation, c'est à la fois un confort de travail pour nous deux et un confort financier. Sur la ferme, je me régale », résume-t-elle.