Gembal, vous connaissez ? Derrière ce nom de code se cache le projet collectif (1) aujourd'hui arrivé à son terme et consacré au développement de l'outil génomique, notamment pour les races bovines allaitantes. Alors, leur sélection est-elle à la veille de la même révolution que celle qu'a connue la prim'holstein, la normande ou la montbéliarde avec l'apparition des premiers taureaux dits génomiques dans les catalogues à la fin des années 2000 ? Pas tout à fait. « Dès 2015, les outils seront à disposition des partenaires du projet, assure Florence Phocas, directrice de recherches à l'Inra et coordinatrice du projet. A eux de faire en sorte qu'ils soient efficaces sur le long terme. »
DES REPRODUCTEURS PLUS JEUNES
Ces outils permettront un choix précoce des jeunes reproducteurs charolais, limousins et blonds d'Aquitaine sur leur facilité de naissance, un choix qui n'aura pas encore la précision suffisante pour garantir une diffusion officielle des index sans testage sur descendance. « Pour qu'il y ait un intérêt à démarrer une sélection génomique dans une race, nous avons besoin d'une population de référence dont la taille est suffisante, avec des phénotypages précis, détaille Florence Phocas. Plus nous avons d'informations, meilleure est la fiabilité des index génomiques. »
Cette population de référence est constituée d'animaux phénotypés et génotypés, c'est-à-dire des animaux dont le génome a été jalonné de marqueurs permettant de le décrire par petits fragments. Ces marqueurs sont ensuite combinés aux phénotypes des bovins en question, c'est-à-dire les mesures des caractères intéressants comme la croissance, le développement musculaire ou squelettique... De ces associations émergent des équations qui peuvent servir à calculer les index de jeunes mâles et femelles, quelques semaines après leur naissance.
MUSCLER LES POPULATIONS DE RÉFÉRENCE
Au lancement de la sélection génomique, la prim'holstein disposait d'une conséquente population de référence que des partenariats internationaux sont depuis venus conforter et porter à plus de 25 000 taureaux phénotypés précisément. « Si nous disposons d'informations sur le poids de naissance individuel pour 5 100 charolais, 3 300 blonds d'Aquitaine et 3 700 limousins, seules quelques centaines de taureaux dans chaque race sont bien connus sur descendance, explique Florence Phocas. Pour la charolaise, nous avons environ 950 individus bien répertoriés sur la facilité de naissance, 850 sur la croissance au sevrage et 350 pour l'aptitude à l'allaitement. C'est une des limites d'avoir un taux de pénétration de l'insémination artificielle inférieur à 20 % et seulement un animal sur cinq suivi au contrôle de performances. »
Cependant, les races allaitantes ont une carte à jouer que les races laitières n'avaient pas : les taureaux de monte naturelle pourraient enrichir de manière très significative les populations de référence. Pour connaître un reproducteur, les informations d'environ 50 de ses descendants sur les principaux caractères évalués sont nécessaires. Ce qui correspond au nombre moyen de descendants d'un taureau de monte naturelle.
Bref, la sélection génomique a besoin d'un véritable effort collectif pour disposer d'un pool suffisant de génotypages d'animaux aux phénotypes connus précisément. « A l'heure actuelle, nous n'avons pas de gain sensible de précision par rapport à une évaluation sur ascendance des performances au sevrage, de l'aptitude à l'allaitement et de celle au vêlage, note Florence Phocas. Un gain modeste est tout de même observé en race charolaise, mais pas pour la blonde d'Aquitaine ni pour la limousine. Pour cette dernière, nous n'avons pas accès à toutes les informations nécessaires pour avoir un outil efficace sur les effets maternels. Si nous disposions des génotypages de mâles de monte naturelle, cela permettrait peut-être une avancée significative. »
(1) Ce projet associe l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), l'Institut de l'élevage (Idele), les entreprises de sélection (UNCEIA) et les organismes de sélection représentés par Races de France. Il a été financé par l'ANR, APIS-GENE, Races de France et l'Inra.