- « Le climat joue un rôle majeur dans la teneur en protéines du grain (+/- 0,5 à 2 %) », souligne Arvalis. Ainsi, les pluies en cours de montaison et au moment du gonflement favorisent l'absorption d'azote en période de forte croissance. Il est reconnu que 15 à 20 mm de pluie dans les 15 jours suivant un apport sont nécessaires pour valoriser l'azote. Concrètement, il est recommandé d'apporter la solution si de petites pluies sont annoncées dans les trois jours qui suivent l'application. Si ce n'est pas le cas, il est préférable de la reporter pour limiter les pertes par volatilisation. L'apport de l'ammonitrate est moins sensible aux pertes en cas de « stagnation des granules » sur le sol et peut être rapidement assimilé dès le retour des pluies.
En revanche, avant floraison, un excès d'eau ou une sécheresse perturbent l'absorption de l'élément. Des températures élevées entre la levée et le début montaison sont aussi peu favorables à la remobilisation de l'azote dans le grain. Une sécheresse après la floraison permet, au contraire, une concentration. Toutefois, si les conditions pédoclimatiques ont un effet dominant, le choix variétal et la gestion de la fertilisation demeurent des leviers d'action majeurs sur le taux de protéines.
- Certaines variétés valorisent mieux l'azote que d'autres pour un même apport et un même niveau de rendement. De nombreux essais ont démontré que les variétés ont un effet important sur la teneur en protéines, de l'ordre de 20 à 30 %. Ainsi, Rubisko va mieux accumuler la protéine que Lear, qui aura tendance à la diluer, d'après un classement effectué par Arvalis au niveau national.
Les dernières variétés inscrites voient leur rendement augmenter et parallèlement il n'y a pas de baisse de la concentration en protéines. Il s'agit d'un élément pris en compte très tôt dans le processus de sélection car la teneur en protéines intervient dans le classement technologique des blés. Les exigences ne seront pas les mêmes pour des blés panifiables, améliorants, biscuitiers ou fourragers... Seules les meilleures lignées sont retenues.
Depuis 2007, l'inscription des variétés au catalogue français prend en compte le GPD (grain proteins deviation). Ce n'est un secret pour personne, les années à faible rendement, la teneur en protéines est mécaniquement améliorée. Il y a donc une corrélation négative entre le rendement et la teneur en protéines. Toutefois, les variétés vont s'écarter de façon plus ou moins négative ou positive de la droite de régression. Celles qui associent bon rendement et teneur en protéines obtiennent alors une bonification à l'inscription.
TRANSGENÈSE TESTÉE
De nombreux projets sont en cours sur ce thème. Le but est de comprendre d'où viennent les différences au niveau génétique pour accélérer la sélection de nouvelles variétés. Une thèse (Arvalis-Inra) est notamment en cours pour étudier les gènes impliqués dans l'absorption postfloraison. Car, en situation non limitante, un blé peut continuer à absorber jusqu'à 2 kg d'azote/ha/jour jusqu'à la fin du remplissage du grain. De nouvelles lignées prometteuses permettraient d'apporter un progrès en rendement et concentration en protéines.
Autres pistes de recherche : créer des variétés de blé qui fixent l'azote de l'air, comme les pois et les féveroles le font avec leurs nodosités. Autant dire que cela se ferait en passant par la transgenèse.
POTENTIEL DE RENDEMENT AJUSTÉ
Toutefois, pour relever le taux de protéines, certains facteurs doivent être maîtrisés par l'agriculteur, notamment le pilotage de la fertilisation azotée. Il faut en conséquence viser un apport optimal. En suivant la méthode du bilan (voir le tableau ci-dessous), il est nécessaire de multiplier le coefficient b à l'objectif de rendement pour obtenir les besoins en azote des plantes. Ce coefficient est le besoin unitaire en azote et est lié à la variété. S'il est habituel de lui attribuer la valeur moyenne de 3 kg/q de blé produit, Arvalis le remet à jour annuellement pour chaque variété. Cette année, aucune n'a été reclassée mais 31 font leur entrée. En revanche, pour les blés améliorants et de force (BAF), le coefficient, nommé parfois « bq », intègre l'objectif de qualité et est de 3,5 kg/q.
Il demeure essentiel d'enregistrer ses rendements à l'échelle la plus précise possible, c'est-à-dire par îlot cultural, donc par type de sol. Il faut alors réaliser une moyenne des rendements sur les quatre, cinq ou six dernières années en excluant les valeurs minimales et maximales. S'il n'y a pas un historique suffisant, il est possible d'intégrer, pour les années manquantes, les données départementales puis de procéder de la même manière. Si aucune référence n'existe, il faudra utiliser les objectifs de rendement de référence qui peuvent être retrouvés en annexe des arrêtés régionaux (lire l'encadré).
- La forme ammonitrate, à dose totale identique, permet un gain moyen de rendement et de protéines par rapport à la forme « solution azotée liquide » : + 2 à 4 q/ha en fonction du type de sol (calcaire ou non) et + 0,6 à 0,8 % de protéines, selon Arvalis. « L'ajustement de la dose totale en solution liquide ne permet pas de gommer complètement ces écarts dus aux pertes par volatilisation très dépendantes des conditions de sol et de climat », précise l'institut. Cette tendance s'exprime également pour l'apport de fin montaison-gonflement : + 0,4 % de protéines en faveur de l'ammonitrate.
L'efficacité de l'urée granulée se situe entre ces deux formes : ammonitrate et solution azotée. Mais les urées additionnées d'inhibiteur d'uréase (Nexen ou Utec 46) affichent des résultats équivalents à l'ammonitrate dans les essais d'Arvalis, réalisés avec de nouveaux produits.
L'ajout d'Azokeep à la solution azotée a aussi été testé en 2014. « Les premiers résultats laissent entrevoir une solution technique intéressante pour augmenter l'efficacité de la solution azotée dans les situations où celle-ci est mise en défaut », précise Arvalis.
Concernant les tests d'Apex (à base de sulfate d'ammoniac et d'urée), en moyenne sur l'effet azote (tous les essais ont bénéficié d'une couverture « soufre »), aucune différence significative de performance n'a été mise en évidence par rapport à l'ammonitrate.
En moyenne, pas d'effet statistiquement significatif non plus avec Appetizer (à base de filtrats d'algues) appliqué en cours de montaison après deux ans d'essais. Mais sur deux des huit essais, une légère augmentation du rendement a été notée. Néanmoins, « les conditions spécifiques de ces situations restent à préciser et sont pour l'instant non prévisibles ».
Enfin, un essai sur cinq de Megafol Protein (ayant des propriétés d'activation azotée du métabolisme favorisant, selon la firme, le stockage des protéines dans le grain) indique un léger effet rendement et un autre essai montre un impact sur la teneur en protéines. « Une deuxième année de tests s'avère nécessaire pour compléter l'évaluation de ce produit », précise l'institut.
- « Le fractionnement ne doit pas être remplacé par les nouvelles formes, qui apportent pour certaines des efficacités comparables à l'ammonitrate », rappelle Céline Drillaud-Marteau, ingénieur Arvalis en Poitou-Charentes. Une fois la dose prévisionnelle définie par la méthode du bilan, il est nécessaire de raisonner ses différents apports d'azote. Il faudra fractionner la dose totale car les besoins du blé tendre sortie hiver au tallage sont moindres et augmentent sensiblement au cours de la montaison, pour atteindre un pic entre le stade deux noeuds et le stade floraison. Le but est de répondre au plus près des besoins de la culture au moment des apports et de limiter les pertes ainsi que les excès d'azote, qui sont synonymes d'accidents culturaux.
« Autre objectif du fractionnement, optimiser la qualité du grain, en augmentant son taux de protéines », ajoute Arvalis. Le premier apport, réalisé au stade tallage, est généralement de 40 unités, il pourra être retardé et l'impasse peut être envisagée si les fournitures d'azote sont suffisantes. Quant au deuxième passage, il intervient juste avant début montaison, autour du stade épi 1 cm, et est le plus conséquent. Il arrive qu'il soit fractionné en deux, courant mars-début avril, afin de limiter les risques de mauvaise efficience. Pour déterminer la quantité à apporter, il faut soustraire à la dose totale la quantité d'azote apportée au stade tallage ainsi que ce qui est réservé pour le troisième apport.
C'est ce troisième apport, mis en oeuvre entre mi et fin montaison, qui est essentiellement pris en compte pour améliorer la teneur en protéines des grains : + 0,3 à 0,5 % avec 40 à 80 unités, indique Arvalis. Toutefois, s'il y a eu une impasse au tallage, il est recommandé de prévoir 60 et 80 unités à partir de la sortie de la dernière feuille. « Les études ont montré que fractionner les apports était favorable au couple rendement-protéines à partir du moment où le dernier ne dépasse pas le stade gonflement », informe Jean-Pierre Cohan, responsable du pôle fertilisation chez Arvalis. Cette dose pourra être réajustée avec les outils de pilotage (lire l'encadré ci-dessus). Il s'avère intéressant de diviser un apport de 80 unités en cours de montaison sans dépasser le stade dernière feuille/gonflement, sinon le rendement sera pénalisé.
Autre possibilité pour accroître le taux en protéines des grains : réaliser quatre apports. Arvalis conseille d'en réaliser deux entre 2 noeuds et le stade dernière feuille étalée. Le rendement et la protéine se trouvent dans ce cas maximisés. Toutefois, la marge de progrès reste beaucoup plus faible que lorsque l'agriculteur passe de deux à trois passages.