Franck Durocher : « Je souhaite que chaque unité d'azote trouve une justification économique.  »

« Dans ma rotation, j'intercale une culture de blé tous les deux ans, avec des précédents aussi diversifiés que le colza, la féverole, la betterave sucrière, le lin textile, la luzerne et le maïs grain. Depuis mon installation, j'ai toujours appliqué la méthode des bilans. Je souhaite que chaque unité d'azote trouve une justification économique.

Dans mon secteur littoral avec des potentiels de rendement élevés (80 à 100 q/ha), les taux de protéines des blés sont souvent assez faibles et je suis particulièrement sensibilisé à cette question. Commercialement c'est très important, et on le ressent très fortement cette année.

Pour moi, la méthode des bilans reste la base de la fertilisation azotée. J'évalue les besoins de la culture en fonction du potentiel de rendement estimé sur cinq ans pour chaque type de terre et des caractéristiques de la variété. Certaines ont besoin de 2,8 u/q, d'autres de 3,2.

Je calcule la dose à apporter en défalquant l'azote disponible dans le sol. Je vais au-delà de la réglementation en effectuant une analyse de reliquat par précédent et par type de sol. Je répartis ensuite la dose calculée en trois ou quatre apports. Je limite au maximum le premier en faisant parfois l'impasse pour les « blés de luzerne » ou les « blés de féverole » bien développés.

Je privilégie l'apport tardif. Je réserve notamment entre 60 et 80 unités pour le dernier apport. Cette dernière dose est validée au N-Tester, en partenariat avec la coopérative de Creully. Auparavant, j'appliquais la méthode Jubil. Cette année, je pense utiliser la cartographie par drone. Ces analyses avant le dernier apport sont très proches des calculs de la méthode du bilan. J'essaye de bien encadrer ce dernier apport d'azote autour de l'épiaison car c'est là que l'azote est le plus assimilable. J'ai alors recours à une forme solide d'engrais.

Les apports précédents sont délivrés en solution azotée, pour des raisons de coût. Cela assure une répartition homogène et je dispose ainsi de la coupure de tronçons. Je module aussi manuellement la dose dans la parcelle, en fonction de ma connaissance du terrain. Je tiens compte des pertes par volatilisation de la solution azotée pour calculer les quantités à apporter.

Introduction de luzerne et de féverole dans la rotation, broyage d'une partie des pailles, apports de matière organique, de calcaire broyé, implantation précoce des intercultures... J'active aussi des leviers agronomiques pour favoriser la fertilité des sols, tout ce qui peut améliorer la microbiologie et la vie.

Le taux de protéines du blé n'est pas une science exacte. J'ai parfois des surprises, bonnes ou mauvaises. Il reste des facteurs, notamment climatiques, qu'on ne maîtrise pas. Cependant, je pense que le pilotage permet d'éviter de trop décrocher. En 2014, une très mauvaise année pour la protéine dans notre secteur, j'estime avoir maintenu un taux moyen à 10,7 %, avec un écart de 9,9 % à 12,4 % entre les parcelles. Pour l'instant, dans mon contexte, le levier variétal me semble peu significatif dans le taux de protéines. »