Les taux de protéines de 12,3, 11,6, 11,4, 11,2, 11,1... Depuis 2005, les blés tendres français filent un mauvais coton. Ce ne serait pas si grave si la baisse de cette teneur pouvait être compensée par une « bonne » qualité intrinsèque des protéines (lire l'encadré ci-dessous).
Depuis l'automne dernier, on entend parler de cette piste (journées de la meunerie à Reims, assemblée générale de Sénalia...) comme un début de solution à laquelle tout le monde veut croire. Concrètement, si celle-ci répond en partie aux besoins de la meunerie en France, ce n'est pas le cas pour l'export. Les débouchés de nos blés sont très exigeants en protéines.?
En alimentation humaine, la meunerie représente un tiers des débouchés sur le marché intérieur. Les protéines, outre leur apport nutritionnel, disposent de propriétés essentielles aux procédés de panification qui évoluent : pétrissage et façonnage mécaniques, surgélation, choc thermique en cuisson... Gluténine et gliadine (deux protéines du blé) forment une substance élastique et extensible, le gluten, quand elles sont mélangées à l'eau.
« Ces protéines jouent quatre rôles essentiels dans la panification, explique Benoît Méléard, d'Arvalis. Elles constituent un réseau, retiennent les gaz issus de la fermentation des levures, colorent la croûte et permettent une bonne conservation grâce à une certaine capacité de rétention d'eau. »?
En alimentation animale (31 % du marché intérieur), « même si le blé n'est pas classé parmi les matières riches en protéines, il en est une source importante par son taux d'incorporation dans les aliments, précise Perrine Moris, d'Arvalis. Un blé français suffisamment protéiné permet de minimiser la complémentation, améliorant à la fois l'autonomie protéique et réduisant les coûts alimentaires. »?
L'amidonnerie (20 % du marché intérieur) permet d'extraire l'amidon et le gluten pour le valoriser en meunerie, en alimentation animale ou en non alimentaire. « Le blé tendre est devenu la principale matière première utilisée, devant le maïs et la pomme de terre, précise Perrine Moris. En quinze ans, les volumes de blé pour ce secteur ont été multipliés par quatre, pour atteindre 2,9 Mt. »
Viser 11,5 %
Les débouchés du marché intérieur ne sont pas les seuls, l'export demande aussi de la protéine pour l'alimentation humaine qui représentent 80 % des besoins. « Nous recherchons un rapport prix/teneur en protéines, signalait Kacem Raji, PDG des moulins marocains Amgala, lors des journées de la meunerie, en octobre dernier. Cette année, on a acheté des origines russes et ukrainiennes à 12 ou 12,5 % dont les prix étaient très compétitifs. »
« Les exportations vers les pays tiers, pays du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest surtout, ont tendance à se développer et représentent aujourd'hui environ 60 %, précise François Gâtel, de France Export Céréales. Elles sont destinées à la panification et le pain est la première source de protéines pour ces populations. La protéine est aussi recherchée pour ses propriétés fonctionnelles en panification. »
« Ne nous laissons pas distancer par des pays tels que l'Ukraine, la Russie, l'Allemagne ou la Roumanie, qui sont capables de proposer sur le marché une qualité identique, voire supérieure à la nôtre à un prix plus compétitif, prévient François Gâtel. Il faut viser des blés à 11,5 % de protéines minimum à l'exportation, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. »
Mieux vaut donc ne pas trop lésiner sur le taux. C'est ce qui a conduit l'interprofession à signer un accord pour rendre obligatoire sa mention dans tous les contrats de blé tendre depuis juillet 2014. Objectif de l'interprofession : atteindre une moyenne de 11,5 % pour la production française de blé tendre. La filière prend ce problème à bras le corps (lire encadré ci-dessus) et des leviers génétiques et agronomiques sont actionnés.