Trente hectares se libèrent près de chez vous et vous cherchez une activité complémentaire à votre élevage de vaches allaitantes. Pourquoi pas une troupe de 200 à 250 brebis ? « Dans le Limousin, les exploitations mixtes associant ovins et bovins représentent la moitié des élevages détenant des ovins, souligne Danielle Sennepin, de la chambre d'agriculture de la Creuse. Ce qui correspond à 30 % au niveau national. C'est le signe que cette complémentarité ne manque pas d'intérêt. » La nouvelle Pac et les prix des agneaux de ces dernières années sont autant d'atouts qui méritent d'être pris en compte.
Le réseau d'élevage ovin du Limousin a évalué les besoins en financement de deux systèmes et leur rentabilité : la production d'agneaux de bergerie ou d'herbe. Les performances retenues pour les calculs dans le tableau ci-contre sont celles rencontrées sur des exploitations « moyennes » du réseau.
- Un système lié au potentiel de ses sols. « Nous avons fait des simulations avec deux systèmes d'exploitation simples et efficaces, indique Danielle Sennepin. Quelle que soit la configuration des 30 ha disponibles, des solutions existent. Si les terres ont un bon potentiel agronomique et qu'elles produisent de l'herbe en abondance au printemps et en été, une production d'agneaux d'herbe est envisageable. Pour celles dont le potentiel est plus limité, comme sur le plateau de Millevaches, mieux vaut se tourner vers la production d'agneaux de bergerie. » Dans tous les cas, il faut éviter de combiner les deux systèmes.
- 200 ou 250 brebis. Le système « agneaux de bergerie » demande un effectif plus important pour amortir les investissements, dans les cas où ils sont essentiels. « Au moins 250 brebis, avance Danielle Sennepin. Ce système nécessite une bergerie en dur pour les agnelages et la finition des agneaux. » En conduite à l'herbe, un tunnel suffit. Les brebis ne rentrent que pour l'agnelage. Du coup, l'effectif minimum est de 200 brebis.
- Agneaux de bergerie avec des races rustiques. « Pour des brebis limousines, beaucoup d'élevages fonctionnent avec une lutte naturelle de printemps, en juin, voire plus tôt, souligne Danielle Sennepin. Les mises bas commencent en novembre, ou septembre pour les plus précoces. » Les agneaux sont vendus à Noël, lorsque les cours sont en principe les plus élevés. L'éleveur a ensuite tout son temps pour se consacrer à ses vêlages. Après le sevrage, pendant l'hiver, les brebis peuvent continuer à valoriser l'herbe des pâtures.
Objectifs. Les calculs tablent sur une productivité moyenne des races rustiques de 1,2. Avec 200 brebis, 50 agnelles et 6 béliers, comptez sur 238 agnelages et 333 agneaux. Au sevrage, il en restera 300, dont 50 pour le renouvellement. Vous vendrez donc 250 agneaux pour la boucherie.
Alimentation. Les besoins des brebis s'élèvent à 250 kg de foin par an, ce qui nécessite la fauche de 16 ha, avec un rendement de 4 t de MS/ha. Les achats de concentré atteignent 150 kg par couple mère/agneau. S'il est possible de produire des céréales sur l'exploitation, cela améliorera la rentabilité du système. En l'absence de céréale, n'oubliez pas de compter l'achat de paille pour la litière, soit environ 19 t.
L'investissement s'élève à 92 700 €, dont 51 000 €€empruntés. Il comprend le cheptel, pour 28 100 €. Les brebis ou les agnelles de reproduction valent entre 100 et 120 €. Les deux tiers de la troupe sont achetés la première année. Le prix de la bergerie « en dur » (45 m x 13 m) était évalué à 100 €/m2 en 2012, soit 58 500 €€au total. Le montant des aides à l'investissement dans le cadre du prochain Plan de modernisation des bâtiments d'élevage n'est pas encore connu. Sur les bases de 2012, il s'élevait à 38 580 €.
Pour ne pas dépasser 7 000 €€d'annuité, si vous n'êtes pas jeune agriculteur, vous devrez autofinancer une partie du cheptel (17 000 €) et les clôtures pour 3 000 €.
- Agneaux d'herbe. « Dans ce système, les prairies sont assez productives pour assurer la lactation des brebis de races herbagères », souligne Danielle Sennepin. Les agneaux sont finis sur des repousses précoces. Charollaises, texels ou suffolks avec de bonnes qualités laitières sont adaptées à cette conduite.
Objectif. Avec une productivité numérique de 1,25, vous vendrez finalement 211 agneaux entre juin et octobre. La lutte naturelle se déroule donc en automne. Les agneaux de meilleure conformation sont vendus légèrement plus cher que dans le scénario précédent. Vous gardez 40 agnelles pour satisfaire 20 % de renouvellement.
Alimentation. Les brebis passent une partie de l'hiver sur les pâtures des bovins. Les besoins en foin sont un peu moins importants que dans le cas précédent : 140 kg par brebis et par an. Cela représente 7 ha. L'achat de concentré s'élève à 102 kg par brebis.
L'investissement est de 56 200 €, dont 41 900 € empruntés. Le prix des reproducteurs est comparable au précédent. Un tunnel de 35 m x 9,4 m de large est moins cher : 28 000 €. Dans ce cas, pour ne pas dépasser 5 500 € d'annuité, si vous n'êtes pas jeune agriculteur, il vous faudra autofinancer les clôtures (3 000 €) et la moitié du cheptel, soit 14 000 € au total.
- Un revenu qui dépend aussi des charges de structure. La marge n'est pas le revenu. La complémentarité trouve ici tout son intérêt. « L'atelier ovin "dilue" une partie des charges de l'exploitation, souligne Danielle Sennepin. Le matériel de fenaison est par exemple mieux amorti. » N'oubliez pas non plus les autres charges de structure spécifiques à l'ételier ovin, comme le fermage, la MSA, les assurances, l'eau et l'électricité... Au total, cela représente près de 7 500 €, calcule le réseau d'élevage ovin du Limousin.
Ces frais sont à retrancher de la marge nette de production. En système agneaux de bergerie, celle-ci atteint 10 000 €, alors qu'en agneaux de bergerie, elle dépasse 12 544 €. Si vous disposez d'un bâtiment de stockage aménageable en bergerie, dans le système agneau d'herbe, cela réduira l'annuité de moitié... et augmentera le revenu d'autant.
- Formation. La conduite d'une troupe ovine ne s'improvise pas. Danielle Sennepin conseille de se former et de ne pas hésiter à faire un stage en exploitation.