Près de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, onze agriculteurs bio remettent au goût du jour des variétés de blé anciennes. Ainsi, le poulard, un blé rustique à mi-chemin entre le blé tendre et le blé dur, est parfait pour fabriquer des pâtes artisanales. Ensemble, ils en ont semé 25 ha cette année.

« Voilà cinq ans que nous travaillons sur un projet de filière locale de pâtes artisanales, raconte Eric Marie, paysan- boulanger à Monléon-Magnoac et gérant de la SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif) L'Odyssée d'Engrain, créée en 2013. Nous avons pris contact avec le Gab 65 (Groupement d'agriculture biologique) pour trouver des producteurs intéressés. Les blés poulards sont appropriés aux terres pauvres et valorisent les moins bonnes parcelles. Le rendement est de 15 à 20 q/ha. Cette année, dans le cadre de la SCIC, ils seront achetés 600 €/t aux producteurs et passeront à 700 €/t l'année prochaine. »

DES PRIX FIXÉS À L'AVANCE

Ce prix garanti aux agriculteurs a été défini, d'un commun accord, par les coopérateurs de la SCIC. Il tient compte des difficultés culturales, des bas rendements, de la marge réalisée par les meuniers, l'atelier de transformation et les distributeurs, ainsi que du prix que les consommateurs peuvent consacrer au produit fini. Les producteurs stockent leur récolte chez eux jusqu'à ce qu'elle soit livrée à l'un des deux meuniers de la SCIC.

Parmi eux, un jeune agriculteur a remis en route le moulin à eau de son grand-père, en sommeil depuis de longues années. La farine est ensuite transformée en pâtes dans l'atelier créé par la SCIC. Il a ouvert début février 2014 à Lannemezan et a donné lieu à une embauche. La première petite récolte de blé rustique de 2013 a permis de faire des essais de pâtes. Il reste 4 tonnes de blé à transformer d'ici la prochaine récolte, fin juillet. « Nous avons acheté une machine pour fabriquer les pâtes et un séchoir, poursuit Eric Marie. Nous les commercialisons en vrac mais nous aurons bientôt une ensacheuse pour les conditionner. Nous n'avons pas encore trouvé ce que nous cherchons. » Les pâtes sont ensuite vendues aux consommateurs environ 6 /kg en direct par les agriculteurs ou 7 /kg maximum par les magasins Biocoop.

Pour l'instant, L'Odyssée d'Engrain propose des pâtes à base de blé poulard et de petit épeautre. D'autres produits sont en projet comme les pâtes complètes, semi-complètes, à base de sarrasin ou de farine de châtaigne. En vitesse de croisière, la SCIC prévoit de produire 50 tonnes par an, ce qui nécessitera 80 tonnes de blé. Les coopérateurs étudient aussi la possibilité de fabriquer du müesli, avec des variétés paysannes d'avoine et d'orge et de petits fruits cultivés par un maraîcher local. « L'objectif est de produire sur place tout ce que l'on peut et de le consommer localement. Cela recrée du lien social, conclut Eric Marie. C'est un projet de territoire pour lequel les consommateurs font preuve d'un grand engouement. De leur côté, les agriculteurs redonnent un sens à leur travail. »