Les étalages de fruits et légumes ne cessent de proposer, depuis une dizaine d'années, un nombre croissant d'espèces et de variétés. On voit même réapparaître des vieilles variétés telles que le topinambour, le rutabaga ou la courge spaghetti. La demande des consommateurs, l'évolution des pratiques alimentaires et les mouvements de jardiniers amateurs ont été les moteurs de cette diversification. En réponse, nous avons assisté à une prise de conscience de tous les acteurs de la filière. La tomate, légume emblématique de cette diversité, peut être prise comme exemple pour la comprendre.

SÉLECTION ET DIVERSITÉ

« Ce phénomène n'est pas nouveau, nous explique Roger Capitaine, directeur général de Savéol, société coopérative regroupant cent cinquante maraîchers de la région brestoise. Il y a vingt ans, nous avons proposé la tomate grappe et, il y a dix ans, nous avons opéré une segmentation du marché avec l'introduction d'autres variétés pour la distribution : la coeur-de-pigeon et la coeurde- boeuf, par exemple. Cela répondait à une demande croissante du consommateur. Aujourd'hui, nous proposons vingt-cinq variétés. Nous ne souhaitons plus étendre notre gamme, mais voulons plutôt nous concentrer sur le caractère gustatif des produits. »

La diversité est la base du travail du sélectionneur. « Elle peut se définir selon deux aspects, explique Vincent Joly, directeur marketing et communication de Vilmorin. La première est la diversité agronomique, à laquelle on s'intéresse en premier lieu, pour assurer à l'agriculteur un rendement et des résistances aux bioagresseurs. La seconde est la diversité produit, avec une grande variété de tailles, de formes et de saveurs. Une fois les caractères agronomiques d'intérêt fixés, nous pouvons nous concentrer sur la qualité produit. Cependant, il faut savoir que plus l'on s'intéresse à un grand nombre de caractères, plus la sélection est difficile. Les sélectionneurs ont à disposition un fond génétique important, provenant de lignées sélectionnées, de variétés anciennes et d'espèces sauvages. On réalise des croisements pour obtenir un cultivar avec des caractères d'intérêt. Pour avoir accès à cette diversité, nous collectons des espèces dans différentes zones du globe. Aujourd'hui, on travaille beaucoup en Italie, où il y a une grande richesse variétale. »

CLASSEMENT DES VARIÉTÉS

La sélection s'attache à proposer une large gamme variétale, pour satisfaire l'ensemble des consommateurs. La segmentation se fait selon plusieurs critères. L'aspect visuel est le plus marquant, avec des tomates de formes, de tailles et de couleurs différentes. Si l'on s'intéresse à la couleur, elle est directement liée à l'express ion génique. Ainsi, elle va permettre la production de nombreux pigments, dont les principaux représentants sont le lycopène, de couleur rouge, et le bêta-carotène, orange. Leur quantité dans la peau et dans la chair de la tomate vont induire sa couleur. L'autre aspect est gustatif, avec un classement des variétés selon leur fermeté, leur texture, leur acidité et leur taux de sucre. Cependant, le goût est inhérent à chaque individu, c'est un caractère subjectif, difficile à appréhender.

La diversité produit est également à mettre en relation avec le système de culture des agriculteurs. L'ensoleillement reçu par le fruit va jouer sur sa physiologie et modifier son goût. Le cahier des charges des coopératives et des distributeurs est donc un élément à prendre en considération dans cette diversité. Il est important de noter qu'elle n'est pas la même pour les producteurs en bio. En effet, certains déplorent une gamme variétale commerciale disponible restreinte.

« Il est nécessaire d'intégrer les pratiques de l'agriculture biologique, déclare Véronique Chable, ingénieur de recherche en génétique végétale et la sélection participative à l'Inra. La sélection classique se montre inadaptée à certaines réalités. Il faut s'inscrire dans une démarche de sélection participative. »

L'appel à projets Casdar 2014 « Semences et sélection végétale », émis par le CTPS, constitue un début de réponse. Il promeut le développement de variétés, de semences et de plants adaptés à des systèmes agroalimentaires innovants, en réponse à des changements de modèle agricole. Par ailleurs, la chercheuse met en évidence l'inégale diversité variétale entre les espèces. Celles à potentiel économique plus faible, les crucifères par exemple, ne présentent pas une offre similaire.

CIRCUITS DE VALORISATION

Le choix variétal va induire la commercialisation de légumes présentant diverses fragilités et, par conséquent, des temps de conservation variables. Ainsi, les produits ne seront pas valorisés dans les mêmes circuits. Les variétés les plus robustes pourront être vendues en circuits longs, nationaux, voir internationaux. Et, en circuits courts, on trouvera des produits avec des caractères sélectionnés, répondant d'avantage à des aspects qualitatifs. Le conditionnement viendra souligner cette diversité, grâce aux emballages de tailles et matériaux différents.