Du pain sur la planche. Les services du ministère de l'Agriculture se sont attelés à la partie réglementaire des 105 pages de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF), votée définitivement à l'automne. Pas moins de 90 décrets sont attendus pour 2015, selon « le tableau de bord établi afin de ne rien oublier », précise-t-on au ministère. D'autant que la LAAF laisse une large place à l'interprétation, notamment sur son concept phare : l'agroécologie. « C'est la première fois qu'une loi donne à un concept une finalité en droit rural », remarque Hubert Bosse-Platière, professeur de droit à l'université de Bourgogne.

Si cher à Stéphane Le Foll, le concept devrait se concrétiser rapidement puisque le ministère ambitionne que « la majorité des exploitations françaises soit engagée dans l'agroécologie à l'horizon 2025 ». Parmi les outils devant servir cet objectif, le groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE) « vise à accompagner la mutation de l'ensemble des productions agricoles vers des systèmes conciliant performances économique, environnementale et sociale ». Ces collectifs d'agriculteurs seront labellisés par l'Etat dans le cadre d'appels à projet organisés par les préfets de région dès janvier 2015. « Les premières labellisations interviendraient au premier trimestre », se réjouit-on au ministère.

Si les hommes de terrain voient difficilement comment ces GIEE verront le jour sans enveloppe d'aides publiques définies, au ministère, on reste confiant : « Les agriculteurs sont demandeurs. » L'enjeu, c'est que le mouvement vienne du terrain et non pas du tout réglementaire. Il n'y aura ni enveloppe financière nationale, ni objectifs chiffrés, « chaque région verra si elle veut ou non soutenir cette démarche » dans le cadre de la régionalisation du second pilier de la Pac. De leur côté, les sceptiques comparent déjà le dispositif au contrat d'agriculture durable et autres contrats territoriaux d'exploitation, « qui se sont révélés de vrais échecs », rabachent les détracteurs. Appréciation de « l'engouement » en fin d'année prochaine.

SAFER RENFORCÉES

Pour prouver son efficacité, le ministère prévoit des « bilans d'étape » au cours de l'année à venir. Fin novembre, Stéphane Le Foll a annoncé la mise en place « d'un grand colloque sur le foncier » à l'été 2015, pour « faire le point sur les mesures mises en place dans le cadre de la loi d'avenir », notamment sur les safer. Ces dernières voient leurs pouvoirs largement renforcés : préemption sur les démembrements de propriété et sur la cession de la totalité des parts sociales d'une société agricole en vue de l'installation. Elles se voient également offrir la possibilité de dissocier le foncier du bâti pour préempter l'un ou l'autre. En ligne de mire, la « financiarisation de l'agriculture ». « Le dispositif est peut-être incomplet mais nous verrons dans la pratique s'il suffit à éteindre le feu », lançait Michel Heinmann, directeur de la Safer de Rhône-Alpes, lors du congrès annuel à Dijon, fin novembre.

Deux « principaux décrets sont attendus au printemps 2015 pour une mise en application avant l'été », s'avance-t-on au ministère. Le plus important définira la mise en place de l'information des Safer en cas de vente ou de donation de biens immobiliers « à vocation agricole » ou des biens mobiliers qui y sont rattachés, par le notaire ou par le cédant (ou son centre de gestion) lorsqu'il s'agit de parts ou d'actions de sociétés agricoles. Cette obligation vaut pour les cessions d'usufruit ou de nue-propriété, « pour lesquelles seront précisées la consistance et la valeur des biens ».

Avec ces nouvelles dispositions, le volume d'information à traiter par chaque safer devrait être multiplié par deux ou trois, selon la FNSafer. Si cette obligation existait déjà, aucune sanction n'était applicable en cas d'omission. Désormais, les contrevenants seront passibles d'une amende au moins égale à 1 500 € et pouvant aller jusqu'à 2 % du montant de la transaction non déclarée.

CONTRÔLE DES STRUCTURES DURCI

Comme les Safer, le contrôle des structures se régionalise. Les décrets relatifs au nouveau « seuil régional des exploitations agricoles » (SREA), qui remplace le schéma départemental des structures (SDDS) et son unité de référence, devront servir de point d'accroche pour limiter les « agrandissements excessifs » dès 2015. « Cela permettra de définir les grandes orientations régionales en lien avec le second pilier de la Pac, l'installation et la dimension des exploitations », explique-t-on au ministère. Pour l'avocat en droit rural Michel Hardouin, « il faudra être très attentif sur le sujet car la majorité des opérations seront soumises à autorisation d'exploiter ». Les simples déclarations préalables, notamment pour les biens de familles, ayant été restreintes.