- « Cinq de plus ! », rit Joseph, qui vient de porter son troupeau à sept laitières, en plus d'un taureau. Avec 300 pondeuses, 400 poulets, 20 ha de riz et un lopin de terre pour les légumes, cette ferme au coeur de la Tanzanie occupe à plein temps un couple et trois salariés qui font presque partie de la famille (deux n'ont que 14 ans). Le travail est rude : ni électricité ni eau courante ni machines, et des bâtiments sommaires. Les vaches sont toujours dehors, y compris pour la traite (manuelle). Des conditions qui risquent de perdurer tant il est dur d'avoir accès à des prêts pour investir. Sans avoir à rougir de la productivité de ses vaches (plus de 20 l/jour), Joseph avance à tâtons et regrette l'absence de conseils et d'informations spécialisées. Il dénonce : « Les vétérinaires, comme les banques, ne s'occupent pas des petits paysans. »

- A 200 km de là, Bernard Mwingirai vient d'acheter un lopin de terre et fait le même constat. La terre n'est pas chère, la main-d'oeuvre non plus, le sol est fertile... « Cependant, on manque de capital et de connaissances pour se développer. Le gouvernement ne s'intéresse qu'aux "gros". » C'est en Zambie qu'il a trouvé un interlocuteur pour l'épauler à distance.

- « L'adoption de pratiques non durables aépuisé les ressources naturelles et entraîné un exode vers les villes où il n'y a pas d'emploi, explique Rolf Shenton, directeur de l'ONG zambienne Grassroots. La solution est de faire revenir les populations rurales à une production durable de nourriture, fibres et énergie. » Sebastian Scott, membre de Grassroots, reçoit souvent des stagiaires et groupes d'agriculteurs dans sa ferme de 9 ha. « Je gère ma ferme d'une manière reproductible par la plupart des 1,7 million de petits paysans que compte le pays (1). Comme ils n'ont pas accès à du capital, nous réduisons au maximum les intrants, mais aussi le travail car tout se fait à la main. » Grâce à des pratiques innovantes - mélanges de cultures (pois-maïs), cage mobile pour les poulets et les porcs entre les bananiers ; travail du sol simplifié... à l'aide d'un bâton, nouveaux modes de distribution de l'aliment, etc. -, sa ferme, qui emploie deux salariés, est quasi autonome et rentable. Les paysans en visite prennent des notes. « L'avenir pour les agriculteurs est "so exciting" ! », encourage Sebastian.

(1) Contre 500 à 600 fermes importantes mécanisées.