« L'objectif du programme de 2007 à 2013 était de créer une dynamique dans la région Bretagne pour restaurer le bocage », lance Patrick Souben, animateur du dispositif Breizh Bocage en Ille-et-Vilaine à la Draaf (lire l'encadré page 44). Le décor est planté, ainsi que les 4 000 km de haies dans toute la Bretagne.
« A la fin des années soixante, le remembrement a rasé beaucoup de haies, se souvient Jean-Pierre Leroux, céréalier bio et meunier à Bain-de-Bretagne, au sud de Rennes. Des problèmes de ruissellement, d'érosion, de qualité de l'eau ont alors émergé. » Les collectivités bretonnes ont décidé d'agir dès 1975, avec plusieurs programmes d'aide à la plantation de haies.
« Dans les années quatre-vingt, avec la fin des curages de fossés, certaines haies composées de saules ont repoussé spontanément sur leurs abords, et j'ai commencé à en replanter dans les années quatre-vingt-dix, précise Jean-Pierre Leroux. Le vent d'Ouest est très froid chez nous. Les haies permettent de briser ce courant, de gagner quelques degrés et de réchauffer le sol au printemps pour favoriser la levée du blé noir, très sensible à la température. Je constate également moins d'égrenage à la récolte. L'eau, en étant freinée par les haies plantées sur des talus positionnés en travers de la pente, provoque aussi moins d'érosion. »
Sur son exploitation de 83 ha (dont une quarantaine de blé noir, une vingtaine de blé tendre, une dizaine de seigle et une dizaine de prairies), 3 km de haies ont été plantées dans le cadre du programme Breizh Bocage : chênes, charmes, cormiers, buis, houx, bourdaines, châtaigniers, noisetiers..., soit au total 3 170 plants de 16 essences différentes présentes localement.
GARDE-MANGER POUR ANIMAUX
Chez Dominique et Gabriela Fontaine, à Ercé-en-Lamée, plus de 4 km de haies ont été installés en 2013 avec ce dispositif. Ils se sont ajoutés aux 2 km déjà en place sur l'exploitation. Quelque 4 170 plants de 15 essences différentes pour alterner les fonctions ont été utilisés : arbres de haut jet (grande taille), arbres et arbustes en cépée (plusieurs tiges) et arbustes de bourrage (proches du sol). « Les plantations ont été effectuées le long d'un chemin de randonnée, pour délimiter une parcelle ou refaire le lien entre deux anciennes haies, précise Dominique, qui exploite 54 ha en blé, triticale, orge, colza, maïs et parcours pour les chapons, canards de Pékin et autres volailles fermières. En offrant le garde-manger aux rongeurs, oiseaux et insectes qui s'installent, les haies créent de la biodiversité et limitent la pression des ravageurs nuisibles aux cultures. L'effet brise-vent induit aussi un microclimat bénéfique aux cultures. Un talus boisé a également été reconstruit entre deux talus existants afin de limiter l'érosion et les ruissellements. »
PRISE EN CHARGE DES PLANTS
Concrètement, la préparation du terrain est à la charge de l'exploitant : labour sur 60 cm de profondeur et sur 2 à 3 mètres de large chez Dominique Fontaine, puis passage d'une herse rotative. « Nous avons décidé au préalable de la localisation et des essences pertinentes à planter avec Jean-François Rault, l'animateur de la communauté de communes de Moyenne Vilaine et Semnon », précisent les agriculteurs. Les plants sont achetés par le programme Breizh Bocage, puis une entreprise payée par le dispositif se charge de la plantation entre décembre et mars. Elle réalise également le paillage à base de copeaux de bois pour limiter l'enherbement et pour garder la fraîcheur dans le sol afin d'éviter le dessèchement des jeunes plants. Un haut jet (chêne, merisier, frêne) tous les 4 m est protégé par un filet contre le chevreuil, principal vecteur de dégâts dans le secteur. Pour les arbustes ou arbres en cépée (noisetiers, charmes, érables champêtres...), la protection est moins importante car, même mangés, ils repartiront du pied. L'entretien est également assuré par l'entreprise pendant trois ans. Ensuite, à l'agriculteur de s'en occuper.
« D'ici quatre à cinq ans, je pense utiliser le bois déchiqueté dans une chaudière pour remplacer l'actuel chauffage au fioul, » projette Dominique Fontaine. Même idée de bois-énergie du côté de Jean-Pierre Leroux : « Les copeaux pourraient servir dans un brûleur pour sécher le grain avant qu'il soit moulu dans mon moulin traditionnel. Il pourrait aussi être mis en fagots pour alimenter le four à pain. Ces débouchés me permettraient de revenir à plus d'autonomie énergétique », précise-t-il.
Seul point sur lequel il faut rester vigilant : obtenir l'autorisation du propriétaire du terrain pour planter une haie. Pour une installation en limite de parcelle, celle du voisin est requise. En cas de refus, une haie pourra être installée à 2 mètres minimum de la limite. Les raisons de refus peuvent être multiples : crainte de perdre de la production ou du terrain, manque de temps et de matériel pour planter et entretenir... « Ces arguments ne sont pas forcément vérifiés et les avantages sont plus nombreux rien qu'à l'échelle de l'exploitation, estime Jean-François Rault : matière organique en hausse, moins de verse, microclimat, auxiliaires favorisés, moins de ruissellement... »
CONNEXIONS ENTRE EXPLOITATIONS
« Au total, sur notre communauté de communes, 83 km de haies et 4,6 ha de bosquets ont été plantés avec le programme Breizh Bocage en trois ans chez 100 planteurs, dont 65 agriculteurs, précise Jean-François Rault. Le tout pour un coût global (talus, plants, plantation, paillage, protections, entretien...) d'environ 8,50 euros par mètre linéaire de haie. Le but est de créer un maillage car c'est sur tout un territoire que les bénéfices du bocage sont démultipliés. Lorsque je monte plusieurs projets, j'essaie de créer des connexions entre les agriculteurs. L'envie de planter des haies devient souvent contagieuse et je n'ai pas de mal à les convaincre. Cependant, le projet de départ reste celui de l'agriculteur. Il répond à ses besoins, ses envies. »
Le but du premier programme Breizh Bocage était la plantation et la restauration du bocage. Pour le deuxième, « nos actions seront centrées sur l'entretien, la coupe et les bonnes pratiques pour pérenniser l'existant et la création de corridors », précise Jean-François Rault.