L'électronique embarquée sur les outils enregistre désormais tous les paramètres relatifs au travail en temps réel. Qu'il s'agisse d'une quantité de produit épandue, d'une dose de semis, d'une profondeur de travail ou de la composition d'une ration, toutes les données sont enregistrées dans le boîtier de contrôle de l'outil.
Dans une configuration classique, le boîtier fonctionne indépendamment du tracteur et il n'y a pas d'échange de données entre les deux. Dans l'absolu, cela ne pose pas de problème particulier mais chacun dispose de son propre système de transfert de données : carte SD, clé USB, voire WiFi ou BlueTooth pour les plus récents. Avec un boîtier pour chaque outil, la cabine peut rapidement être surchargée. Quant aux clés USB et cartes SD, elles se multiplient sur le bureau ou prennent la poussière dans le tracteur.
Par ailleurs, chaque constructeur utilise son propre langage informatique et les fichiers ne sont pas toujours compatibles entre eux. Heureusement, depuis 2001, une norme de communication entre le tracteur et l'outil se généralise : l'Isobus.
Cette norme créée par Iso (organisation internationale de normalisation) est maintenant mise en application et développée par l'AEF. Cet organisme, fondé par l'association des constucteurs américains (AEM) et son homologue allemand (VDMA), regroupe la plupart des constructeurs de machines agricoles susceptibles de proposer des outils ou des automoteurs Isobus.
LANGAGE UNIVERSEL
Le principe est simple et reprend celui du « plug and play » (brancher et commencer) de l'informatique. La norme crée une interface standardisée et compatible entre le tracteur et l'outil. Concrètement, lorsque l'outil et le tracteur sont Isobus, il est possible de piloter l'outil avec le terminal du tracteur, voire l'inverse lorsque le boîtier de l'outil est suffisamment perfectionné.
De même, tous les boîtiers d'outils Isobus sont compatibles entre eux. En théorie, il est possible de piloter une presse Kuhn Isobus avec le terminal Vicon IsoMatchTellus et de paramétrer la presse Vicon avec le terminal CCI de Kuhn. Les deux presses peuvent bien entendu être pilotées depuis un terminal de tracteur. Une simple prise, qui relie l'outil au tracteur, assure le transfert des informations et l'alimentation électrique.
Cette prise est proposée en standard sur les tracteurs de forte puissance et en option sur les modèles de moins de 200 ch. Elle peut être installée a posteriori sur les tracteurs déjà en service, qui pourront alors se servir du terminal Isobus d'un outil comme ordinateur de bord.
Sur le papier, l'Isobus est un espéranto informatique grâce auquel un simple branchement de prise suffit pour recueillir toutes les données de l'outil sur le tracteur. Dans la pratique, les premières tentatives de connexion se sont souvent soldées par des échecs. Il faut savoir que la définition de la norme Isobus est décrite dans un dossier de 20 cm d'épaisseur. Il existe donc différentes interprétations de la norme et différentes versions, incompatibles entre elles.
DEBUTS DIFFICILES
Au début d'Isobus, chaque constructeur utilisait sa version, ce qui revenait à employer un boîtier spécifique. Avec le temps et les échecs, des échanges entre fournisseurs ont abouti à des compatibilités entre marques. Enfin, depuis quelques années, des festivals de la compatibilité (Plug Fest) se tiennent tous les ans. Ils réunissent constructeurs, fournisseurs de boîtiers et éditeurs de logiciels pour tester les compatibilités entre engins et s'assurer d'employer la même version d'Isobus.
Grâce à ces réunions organisées par l'AEF, les principaux terminaux du marché sont normalement compatibles avec les outils les plus courants. C'est ce que nous avons testé au printemps, avec quatre presses à balles rondes Isobus qui ont toutes été pilotées par le terminal d'un tracteur Fendt. Une opération simple mais qui a nécessité la mise à jour du logiciel du Fendt. Pour les outils plus complexes comme les pulvérisateurs et les semoirs, la compatibilité est parfois limitée par des contraintes techniques. Ainsi, le distributeur d'engrais Kverneland-Vicon propose de gérer automatiquement plus de tronçons que ne sont capables d'en prendre en charge les terminaux de tracteurs. Pour bénéficier de la coupure automatique par GPS, il est donc indispensable d'utiliser le terminal maison. De même, il existe deux normes distinctes pour les commandes auxiliaires (joystick rajouté...), l'ancienne Aux-O et la nouvelle Aux-N, non compatibles entre elles.
LES POIDS LOURDS ET LES AUTRES
Dans le domaine de l'Isobus, on peut classer les constructeurs dans trois catégories : ceux qui disposent de leur propre filiale d'éléctronique embarquée, les Allemands et tous les autres. John Deere et Kverneland, qui possèdent tous les deux une branche spécialisée dans la mécatronique, font la course en tête et offrent pour le moment le plus de solutions et de produits compatibles. Ils sont talonnés par les constructeurs allemands qui, portés par l'AEF, se sont associés très rapidement pour développer des terminaux Isobus communs. C'est le cas notamment du CCI, qui regroupe entre autres Amazone, Lemken, Horsch, Krone, Grimme et Rauch (Kuhn). Dans cette course à la compatibilité, les constructeurs français ont pris du retard mais comptent bien se rattraper, notamment en accueillant la prochaine Plug Fest. Néanmoins, si vous voulez mettre toutes les chances de votre côté avec un attelage Isobus, mieux vaut pour le moment brancher un outil allemand sur un tracteur germanique, américain ou japonais !
DES BENEFICES ENFIN TANGIBLES
Le transfert des informations. L'un des grands avantages de l'Isobus est la possibilité de transférer les informations collectées par l'outil (poids des ingrédients de la ration, densité de la balle, profondeur de travail...) sur le terminal du tracteur. Une fois sur ce dernier, l'information est plus lisible et sera plus facilement transférable et exploitable.
La fin des problèmes de câblage électrique. La multiplication des boîtiers en cabine impose de disposer de différentes prises électriques pour alimenter ces terminaux. Et avec le panel étendu de possibilités, il n'est pas rare de devoir se raccorder sur la batterie lorsque le tracteur n'est pas équipé de la prise ad-hoc. Cet obstacle disparaît avec l'Isobus.
Une personnalisation des commandes. Les tracteurs Isobus proposent désormais d'affecter des fonctions de l'outil à des boutons de l'accoudoir ou au joytsick du tracteur. Il peut s'agir de commandes dédiées, comme les F1 à F8 de Claas et les boutons du levier en croix chez John Deere, ou de commandes personnalisables, commes celles du joystick Fendt. Dans tous les cas, le chauffeur choisit la fonction qu'il affecte à ces boutons.
Des possibilités pour de futurs équipements. N'importe quel équipement Isobus peut piloter l'outil. Chez Lemken, le pulvérisateur peut recevoir un joystick de pilotage monté sur un appareil déjà en parc. Par ailleurs, la norme Isobus est en phase d'intégration de caméras embarquées qui pouront, à terme, proposer toutes les applications liées au traitement de l'image directement sur le terminal.