La conjonction de diverses conditions, notamment d'humidité et de température, influence la production de ces métabolites secondaires au champ et au stockage. Une attention particulière aux prévisions météorologiques doit être portée au moment de la floraison. En effet, c'est à l'ouverture des épillets, qui laissent sortir les anthères, que le champignon Fusarium trouve une voie d'entrée dans la plante. La période de la récolte peut aussi être problématique car, à partir de la maturité du grain, les mécanismes de défense de la plante diminuent. « Plus une récolte est tardive, plus le risque est à surveiller, notamment en maïs », rappelle Bertrand Carpentier, ingénieur maïs fourrage chez Arvalis. En outre, la présence d'insectes foreurs, telle la pyrale sur le maïs, augmente les risques : par leur activité métabolique ou la création de lésions, ils génèrent des conditions favorables à la production de mycotoxines.

DIVERSIFIER, LABOURER OU BROYER

Plusieurs règles agronomiques ont démontré leur efficacité dans la réduction du risque d'apparition des mycotoxines. « Ces leviers s'appliquent notamment dans le cas de fusarium graminearum, champignon le plus fréquent sur le complexe céréale et principal responsable des contaminations en DON, mycotoxine réglementée », rappelle Benoît Méléard, spécialiste des mycotoxines chez Arvalis. En effet, de nombreux travaux sont en cours sur les autres mycotoxines, mais ils n'ont pas encore livré leurs résultats, d'autant que la problématique est « extrêmement complexe ».

Tout d'abord, la diversification des rotations est une méthode de lutte évidente. Les successions de maïs/blé et sorgho/blé sont peu conseillées, car le blé est sensible au Fusarium et le maïs et le sorgho produisent une quantité importante de résidus de culture favorables à la conservation des ascospores. Ces ascospores, éjectées dans des conditions d'humidité particulières, gagnent les inflorescences et les étamines par des mouvements d'air ascendants. La germination des ascospores est à l'origine de l'infection. Le labour est alors essentiel pour diminuer le risque de contamination des épis. « Des techniques culturales simplifiées (TCS) sont toutefois possibles, mais elles ont démontré, dans certains cas, une moindre efficacité », rappelle Bertrand Carpentier. Dans ce cas, un broyage fin dans les 15 jours suivant la récolte et un enfouissement superficiel des résidus est essentiel. Au moment de la sortie des étamines, il convient aussi de raisonner avec soin son irrigation sur le blé et il est souvent conseillé de ne pas irriguer pendant une durée de 8 jours ; 40 mm de pluies au stade de la floraison augmentent en effet considérablement le risque. Pour le maïs, la date limite de récolte est le 1er novembre car, au-delà, la teneur en mycotoxines croît rapidement (notamment DON et Zéaralénone).

LEVIER VARIÉTAL

Lorsque les risques d'apparition sont intensifiés par des pratiques agronomiques peu adaptées (blé après maïs ou TCS), il est conseillé de se tourner vers une variété de blé tendre tolérante au champignon comme Apache et dans une moindre mesure Hysun, Alixan, Arlequin ou Adagio, entre autres. En maïs grain, le choix d'une précocité variétale bien adaptée à la région et à la date de semis est conseillé. Il n'y a pas de liste variétale de sensibilité des maïs fourrages au risque Fusarium ; le risque est limité puisque la récolte est précoce.

TRAITEMENTS FONGICIDES : MOINS DE 70 % D'EFFICACITÉ

Les traitements fongicides doivent absolument être utilisés en complément des leviers agronomiques et raisonnés en fonction des risques climatique, agronomique et variétal. Leur efficacité est en effet loin d'être totale. Toutefois, appliqué à la bonne dose et au bon stade, un traitement peut être un levier supplémentaire à mettre en oeuvre pour lutter contre la fusariose. Dès l'épiaison, il faut être vigilant et se tenir prêt à intervenir si besoin « à la sortie des premières étamines », préconise Jean-Yves Maufras, ingénieur au pôle maladie d'Arvalis. Le fongicide aura en effet un maximum d'efficacité s'il est appliqué au tout début de l'installation du champignon. En outre, « les matières actives recommandées sont les triazoles, qui servent aussi de relais sur la septoriose et les rouilles ». Le prothioconazole est la seule à présenter une grande polyvalence sur les principales espèces du complexe des fusarioses et il permet aussi de lutter contre le Microdochium. Il est généralement proposé sous le nom commercial de Prosaro (ou Piano), Kestrel (ou Onnel) ou Fandango S (Foster). On les emploiera à pleine dose, ou à 80 % de la dose homologuée si les conditions climatiques ou le risque agronomique sont moyennement favorables à la fusariose des épis. En situation de risque élevé, et notamment dans le sud de la France, il faut employer systématiquement la pleine dose. Mais dans la région Centre, il est possible de procéder à un fractionnement, le risque étant moins élevé. Dans ce cas, 60 % de la dose s'applique au stade dernière feuille puis 40 % dans les 4 à 6 jours suivants. Si le climat est sec, le deuxième passage n'est pas obligatoire, d'où l'intérêt de fractionner. D'après des travaux réalisés par Bayer et Arvalis, un volume minimal de 150 l/ha de bouillie est nécessaire pour maximiser l'efficacité en couvrant bien l'épi.