Sous le terme de mycotoxines sont regroupées de nombreuses molécules aux caractéristiques et à la toxicité hétérogènes. Synthétisées par plus de 200 champignons lors de leur croissance, ces toxines se retrouvent à l'état de contaminants naturels sur de nombreuses denrées d'origine végétale. Parmi elles : les céréales, mais aussi les fourrages, les ensilages, le colza, les pommes de terre, les fruits, les noix, ainsi que les aliments composés et manufacturés issus de ces matières premières. Contrairement aux champignons qui les produisent, elles sont résistantes à la chaleur, ce qui rend leur élimination difficile.

DE CHAMP OU DE STOCKAGE

Deux groupes de champignons toxinogènes peuvent être distingués. D'un côté, Alternaria et Fusarium produisent des « mycotoxines de champ » pendant la pousse de la plante. De l'autre, Aspergillus et Penicillium produisent des « mycotoxines de stockage » après la récolte, la contamination par le champignon pouvant avoir eu lieu au champ.

Parmi les 300 molécules identifiées, seule une trentaine possèdent de réelles propriétés toxiques préoccupantes et ont donc une importance du point de vue agroalimentaire et sanitaire. Il s'agit des aflatoxines (B1, B2, G1 et G2), des ochratoxines (A en particulier), de la patuline, des fumonisines (B1, B2 et B3), de la zéaralénone et des trichothécènes, dont le déoxynivalénol (DON). Au sein d'une même famille, la toxicité peut varier considérablement d'une toxine à l'autre. De plus, le danger n'est pas toujours lié à la toxine elle-même, mais peut aussi provenir de ses métabolites. Une mycotoxine peut être synthétisée par plusieurs espèces de moisissures. Inversement, une moisissure peut produire différentes mycotoxines.

CONDITIONS (DÉ)FAVORABLES

Pour qu'il y ait des mycotoxines, il faut d'abord des champignons. Ceux-ci peuvent se développer sous tous les climats, sur tous les supports solides ou liquides dès l'instant qu'il y a des éléments nutritifs et de l'humidité. D'où la grande variété des substrats alimentaires pouvant être contaminés. Cependant, la production des mycotoxines n'est pas systématique, mais assujettie à des conditions environnementales spécifiques. Si les chercheurs n'en connaissent pas précisément les explications, cette production semble liée à des conditions de croissance stressantes variant d'une famille de mycotoxines à l'autre. Les denrées riches en glucides représentent un milieu davantage propice à leur production que celles riches en protéines.

Une fois produites, les mycotoxines persistent généralement plus longtemps que les champignons qui les ont produites car elles sont plus résistantes à la chaleur. De ce fait, une denrée peut ne plus présenter de moisissures mais être contaminée par une ou plusieurs de ces toxines.

Par ailleurs, certaines mycotoxines ont des effets additifs, voire synergiques. Ces interactions sont cependant encore mal connues. Un mauvais état de l'animal (déséquilibre alimentaire, période critique, infection bactérienne ou virale...) pourrait maximiser les conséquences d'une ingestion de mycotoxines.

EFFETS CHRONIQUES

Certaines mycotoxines ont une toxicité aiguë très marquée, mais il demeure exceptionnel en Europe que les animaux soient exposés à des doses toxiques en une seule ingestion d'aliments contaminés. Les effets chroniques dus à une exposition répétée à de faibles doses sont les plus redoutés car ils peuvent engendrer des pertes économiques importantes. Outre le risque provenant de la multitude des sources d'aliments, ces toxines ne sont pas détruites par les procédés habituels de cuisson et de stérilisation mis en oeuvre dans l'industrie alimentaire. Le lien entre le(s) symptôme(s) et les mycotoxines est donc difficile à établir.

Les porcs et la volaille sont les espèces les plus sensibles aux mycotoxines en raison de leur caractère monogastrique et de leur alimentation contenant de fortes proportions de céréales. Malgré une partielle dégradation dans le rumen, le risque de mycotoxicoses chez les ruminants n'est pas à négliger en raison de la possible présence de mycotoxines dans les fourrages secs et ensilés, mais aussi du risque de présence de résidus dans le lait. Les chevaux ne sont pas épargnés puisqu'ils s'avèrent particulièrement sensibles à la fumonisine B1 qui provoque chez eux une dégénérescence mortelle du cerveau.

En plus de leurs conséquences économiques pour les éleveurs, les mycotoxines sont particulièrement préoccupantes pour la santé humaine. L'ingestion peut être directe via les produits céréaliers et indirecte via les produits animaux (lait, oeufs, viande...). L'aflatoxine B1, dont un métabolite peut être retrouvé dans le lait, est notamment classée comme cancérigène pour l'homme depuis 1993.