L'installation de rangées d'arbres doit s'adapter aux itinéraires techniques des cultures intercalaires et non le contraire, pour ne pas venir empiéter sur leur productivité. Même si l'agroforesterie reste liée au contexte local, au pédoclimat et aux objectifs de l'agriculteur, un certain nombre d'éléments généraux sont préconisés pour sa réussite.

50 ARBRES À L'HECTARE

Le premier élément à raisonner est la densité d'arbres sur la parcelle. L'optimum est de 50 par hectare. La bande de culture intercalaire entre deux rangées d'arbres doit être égale ou supérieure à deux fois la hauteur de l'arbre à maturité (voir l'infographie ci-contre). Les arbres doivent être orientés selon l'axe nord-sud. Ces précautions limitent les zones d'ombre sur la culture et les compétitions, et donc l'impact sur le rendement et les risques d'hétérogénéité de maturité. Les espaces entre les arbres sont établis en fonction du matériel agricole. « Il y a 26 m entre chaque ligne d'arbre, dont 2 m de bandes enherbées car ma rampe de pulvérisateur mesure 24 m », explique Pierre Gégu, agriculteur dans l'Eure. L'agroforesterie s'adapte au matériel de l'exploitant et non l'inverse.

Les résultats obtenus avec un tel système montrent qu'il n'y a pas de baisse de rendement de la culture intercalaire. Globalement, de par la surface occupée par les arbres, la productivité de la culture sur la parcelle baisse de 2 à 3 %, mais c'est sans compter la production de biomasse liée à l'arbre. Celui-ci bénéficie des excès de fertilisation de la culture et d'un bon ensoleillement, le rendant plus productif qu'en système forestier. « Dans différentes expérimentations, nous avons observé 20 à 60 % d'augmentation globale de la productivité du système. La variation dépend des essences plantées », explique Christian Dupraz, de l'Inra. La plantation de l'arbre doit être réalisée avec soin, entre novembre et mars, pour assurer son développement et maximiser les chances de valorisation économique. Néanmoins, « il n'y a pas de méthode stéréotypée, elle va dépendre de l'essence choisie, du contexte pédoclimatique et de la présence ou non de gibier », précise Daniélè Ori, responsable formation chez Agroof.

ENTRETENIR SA PARCELLE

Les premières années, il convient de contrôler l'enherbement sur la ligne d'arbres par un désherbage ou par la mise en place d'un paillage. Cela permet d'éviter les compétitions avec les adventices et ne pas risquer l'installation de vivaces, préjudiciables pour la culture intercalaire.

La taille des arbres débute dès la plantation et devra être effectuée chaque année afin d'obtenir des troncs sans défaut d'une hauteur de 3 à 6 mètres. Elle consiste dans un premier temps à supprimer les fourches qui divisent le tronc pour qu'il puisse grossir en diamètre. Quant à l'élagage, il limite le nombre de branches afin de contrôler la pousse de l'arbre pour sa valorisation et pour limiter l'ombrage du houppier sur la culture. « L'entretien des arbres agroforestiers nécessite un matériel peu spécifique, indique Christian Dupraz. Un sécateur et une nacelle pour assurer l'élagage et éventuellement un lamier pour l'entretien du houppier. C'est du matériel forestier classique, disponible en Cuma et en coopérative. »

INTERACTIONS POSITIVES

La présence d'arbres dans la parcelle offre de nombreux avantages pour la culture intercalaire. Dans le cas de Denis Flores, dont l'activité maraîchère dans le Gard est gourmande en eau, l'agroforesterie est un réel atout : « La consommation hydrique sur l'exploitation est nettement inférieure à celle d'un maraîcher conventionnel de la région. On utilise 60 % d'eau en moins. Les arbres créent un microclimat et les racines induisent de l'humidité dans le sol. » Les arbres et les cultures ne sont pas en concurrence hydrique car ils puisent l'eau à des horizons différents.

Du point de vue faunistique, des relevés de sol ont mis en évidence une grande quantité de lombrics. « Pour les auxiliaires, nous n'avons pas encore mené d'études mais l'observation montre une richesse spécifique très importante », témoigne Denis Flores, qui n'utilise aucun produit phytosanitaire. Pierre Gégu, en grandes cultures, avance le même constat.

Cependant, Denis Flores évoque des problèmes de campagnols terrestres dans ses parcelles. « Je dois mettre en place des pièges à guillotine contre les rongeurs mais leur efficacité est limitée. Je dégage le sol et étale un paillage, afin de rendre le petit gibier visible et permettre aux oiseaux de les chasser. De plus, nous allons entamer des travaux de recherche en mettant en place des perchoirs pour favoriser l'installation de chouettes et autres oiseaux », pour lutter contre les rongeurs. Toutefois, d'après Christian Dupraz, « même si des problèmes de rongeurs existent sur certaines parcelles, la corrélation entre leur présence et l'agroforesterie n'est pas prouvée ».

L'agroforesterie peut amener l'exploitant à revoir son travail du sol. « Il doit parfois renoncer au labour, qui provoque un sillon d'un côté de la ligne d'arbres et une butte de l'autre, ou du moins réduire les interventions à un passage tous les quatre ans », signale Christian Dupraz.