Autoconstruction. Pierre Loubens (ci-dessus) aide Francis Larroque à construire la bineuse

Cuve avant. 300 litres sont stockés devant le moteur. Une pompe assure l'envoi du traitement vers la rampe.

Ce ne sont pas les idées qui manquent à Auradé. Francis Larroque et Pierre Loubens, tous deux exploitants céréaliers dans cette commune du Gers, ont pensé et fabriqué un outil porté d'entretien pour les cultures d'été.

Cultivant respectivement 80 et 145 ha, ils viennent ainsi d'essayer leur première version d'une bineuse portée, équipée pour la pulvérisation.

« Nous voulons rapprocher le matériel au plus près de notre itinéraire technique, dans nos conditions d'exploitation, explique Francis Larroque. Non seulement les rotations et les conditions météo imposent d'intervenir dans des fenêtres étroites, mais la pression réglementaire sur l'utilisation des phytosanitaires et des engrais nous pousse aussi à imaginer de tels outils. »

 

Débit proportionnel à l'avancement

La fabrication de ce « prototype de bineuse », selon les mots de Pierre Loubens, répond à la volonté de désherber mécaniquement. « Mais nous souhaitions l'associer à un traitement, par exemple un apport de bore pour la culture du tournesol. Nous avons donc installé un système de pulvérisation sur la bineuse et sur le tracteur. »

Pour ce faire, Francis Larroque et Pierre Loubens ont choisi d'installer une cuve de 300 l issue d'un vieux pulvérisateur inutilisé à l'avant d'un tracteur Renault 1451-4. Une pompe piston-membrane, à entraînement électrique, alimentée en 12 V, et provenant d'un autre matériel, assure l'envoi du traitement vers la rampe.

Une régulation du débit est effectuée grâce au système électronique Herbi-micro. Un capteur mesure la progression de l'outil sur la roue. L'information est transmise au boîtier de régulation électronique à l'arrière du tracteur. La largeur de travail et le dosage sont renseignés en cabine et paramétrés grâce à la console, située à droite du pilote.

« Nous utilisons une rampe de récupération, explique Pierre Loubens. Elle comporte des buses vertes neuves offrant une capacité de 50 l/ha à 10 km/h. Elle est associée au châssis de la bineuse grâce à une fixation en trois points. »

 

 

 

Buse. La rampe associée à la bineuse pulvérise la solution sur le rang tandis qu'un sarclage est effectué entre les rangs de tournesol.

Console. Installé en cabine, l'Herbi-micro permet de régler le dosage et d'assurer un débit proportionnel à l'avancement.

Travail au plus près du tracteur

La bineuse est pensée pour un pilotage précis à vue. L'outil a donc été conçu de façon à travailler au plus près du tracteur et à occasionner le moins de déport. « De cette manière, nous contrôlons mieux le travail de l'outil, indique Francis Larroque. Le châssis de la bineuse est ainsi très proche de l'attelage. Pour concevoir cet outil, nous nous sommes servis d'une poutre, de disques et de roues récupérés sur une bineuse Kongskilde dont nous avons supprimé le parallélogramme avant.

Elle a été façonnée pour travailler sur une largeur fixe de 6 m. Nous pouvons donc biner 12 rangs de tournesol semés à un écartement de 48,5 cm. Les 13 socs que nous utilisons sont des socs plats semi-rigides Steketee de 24 cm. Les dents droites montées sur spires sont fixées à la poutre de telle manière que nous pouvons facilement changer la largeur de travail, simplement en déboulonnant. »

Le montage de l'ensemble bineuse-pulvérisation est pour le moment très artisanal. Il s'agit d'un premier essai et tous les éléments de fixation ne sont pas finalisés. Il n'y a aucun parallélogramme, les éléments ne sont pas indépendants. Il faut donc travailler sur un sol bien nivelé, ayant bénéficié par exemple du passage d'une herse rotative. Le réglage de la hauteur des dents s'effectue manuellement, dent par dent.

Francis Larroque et Pierre Loubens étudient des modifications de l'outil, comme le positionnement sur le relevage avant. « Nous réfléchissons aussi à un système de repliage, précisent-ils. De plus, la rampe est trop basse, il faut la lever. Et prévoir un réglage en hauteur, pour s'approcher du stade de culture. Il faut aussi prévoir un déport sur le rang ou l'interrang pour le positionnement de l'engrais. Nous devons enfin y associer des bons porte-buses anti-gouttes. » Du travail en perspective, qui s'ajoutera aux quelque 80 h déjà passées sur cette version.

Des bonnes pratiques à la fabrication d'outils

A l'origine, l'Association des agriculteurs d'Auradé a participé à la sensibilisation agroenvironnementale de Francis Larroque et Pierre Loubens. Créée en 1992 par les agriculteurs du village et par des agronomes, elle a permis la réalisation de nombreuses actions. Des formations ont ainsi été proposées aux exploitants. Non seulement sur les bonnes pratiques, mais aussi sur des outils de travail du sol.

L'achat par l'association d'une bineuse Steketee guidée par caméra numérique a participé à l'essai de nouveaux itinéraires techniques. Une cuve a d'ailleurs été associée à cette bineuse travaillant sur des largeurs de rangs différentes. C'est cette gestion de rang qui a poussé Francis Larroque à concevoir la bineuse équipée pour la pulvérisation. Ce matériel lui permet désormais de désherber et traiter à des doses très réduites.