Depuis quelques années, on voit fleurir de nouveaux produits sur le marché de l'appro : les biostimulants. Coût des intrants en hausse, pression réglementaire sur l'azote et le phosphore, désintensification des pratiques... expliquent cette évolution. Mais qu'est-ce qu'un biostimulant ?

Le syndicat européen des fabricants de biostimulants (Ebic, European Biostimulants Industry Council) propose une définition entérinée par ses 37 membres et adoptée par la Commission européenne : « Les biostimulants végétaux contiennent des substances et/ou des micro-organismes dont la fonction, lorsqu'ils sont apportés aux plantes ou à la rhizosphère, est de stimuler les processus naturels pour améliorer l'assimilation des nutriments, l'efficacité des éléments nutritifs, la tolérance aux stress abiotiques (sécheresse, froid, gel, humidité...) et la qualité des récoltes. »

Quels produits biostimulants sont efficaces, lesquels sont des « poudres de perlimpinpin » ?

Voilà une vraie question. Les agriculteurs comme les coopératives et négoces ont parfois du mal à s'y retrouver. Pour prouver l'efficacité d'un produit et en parler de façon objective, le mieux serait de s'appuyer sur des essais d'instituts, d'organismes de recherche, de conseils indépendants ou de la distribution. Mais les essais n'en sont souvent qu'à leur début et les résultats demandent encore une à plusieurs années de confirmation. Par ailleurs, certains ne vont pas jusqu'au gain de rendement.

L'expérimentation d'Arvalis sur le sujet est en cours et la majorité des résultats sera rendue publique à l'automne 2014. Néanmoins, l'institut a déjà publié ceux concernant Appetizer (Goëmar), un produit à base de filtrats d'algues ayant « présenté des propriétés d'activation de certaines fonctions physiologiques des plantes en conditions contrôlées ».

« Les quatre essais 2012-2013 n'ont pas mis en évidence de différence d'efficacité ou d'efficience par rapport à la référence ammonitrate », selon Arvalis, qui précise que ce résultat reste à confirmer ou à infirmer lors d'une deuxième année d'expérimentations présentant des conditions de valorisation des engrais plus contrastées.

Attention aux conditions d'application

Souvent, les bénéfices, s'ils doivent se produire, ne sont pas observés la première année. D'une part parce que les effets sont parfois visibles sur le long terme par nature, et d'autre part parce que des interactions sol/plante/milieu ont lieu avec des conditions d'application particulières : température, humidité, pH, rayonnement...

Ainsi, un produit très efficace en laboratoire peut s'avérer peu efficace au champ. Le gain en rendement devra être très important en laboratoire pour rester statistiquement significatif au champ.En outre, les indicateurs pour mesurer les efficacités sur les biostimulants sont peu nombreux.

« En fongicide, herbicide ou en engrais, il est facile de constater l'efficacité grâce aux notations vis-à-vis d'un témoin, estime Christian Savary. Les essais doivent donc être réalisés sur plusieurs années, dans des conditions de milieu, de type de sol, de climat différentes pour bien connaître le produit et démontrer son efficacité. Mais on rencontre quand même des difficultés pour donner un mode d'emploi aux agriculteurs qui précise le positionnement et les conditions d'application. Et avec ces produits, les références viennent souvent de l'étranger. Il faut les tester à nouveau sous nos climats, avec nos cultures. »

Pour Daniel Brémond, agriculteur à Oraison, dans les Alpes-de-Haute-Provence, « il faudrait faire fleurir les essais autant que fleurissent les biostimulants afin de distinguer les produits efficaces selon les conditions pédoclimatiques. Si le sol est mort (NDLR, sans activité biologique) ou au contraire déjà très vivant (grâce au semis direct sous couvert végétal, par exemple), certains produits activateurs de sol ne servent pas à grand-chose. »

Obtenir la preuve d'une efficacité significative du produit par des essais d'organismes neutres, d'une part, et sur son exploitation, d'autre part, est donc essentiel. D'ailleurs, certaines firmes qui travaillaient directement avec les agriculteurs passent désormais par la distribution. Ainsi, depuis 2007, selon Didier Blin, de PRP Technologies, « notre entreprise construit ses partenariats avec la distribution agricole afin de proposer aux agriculteurs des solutions éprouvées, avec toute l'importance d'assurer un suivi technique de proximité.

Grâce aux essais mis en place par la distribution avant de choisir de vendre ce produit, on gagne en crédibilité auprès des agriculteurs. L'adhésion à l'Ebic depuis moins d'un an a été réalisée dans cet esprit. »Chez le groupe coopératif Triskalia (Bretagne), pour qu'un produit soit commercialisé, le fabricant doit faire des essais sur une plate-forme de microparcelles de la coopérative pendant trois ans.

« Ensuite, pour vérifier l'efficacité et la praticité de l'utilisation du produit au champ, des essais pendant une, deux ou trois années seront réalisés chez des agriculteurs », précise Yannick Lachiver, de la société Lallemand (lire l'encadré ci-contre).D'autres firmes font le choix de réaliser des essais directement chez des producteurs et de s'en servir de vitrine pour convaincre d'autres agriculteurs, comme la société aveyronnaise Sobac (lire le témoignage page 43).

Ces sociétés font souvent la promotion d'un concept plus global qui allie leur produit à une conduite basée sur le non-travail du sol et les couverts végétaux. Plus difficile alors d'isoler précisément l'effet intrinsèque du biostimulant. A contrario, c'est dans ces sols plus vivants où l'apport en intrants de synthèse est généralement moindre que les biostimulants, à base d'éléments vivants, peuvent le mieux s'exprimer. D'où l'importance de réaliser des essais au sein de plusieurs systèmes de production : conventionnels, semis direct sous couvert végétal... pour bien sérier les choses.

Des prix parfois prohibitifs

Si l'efficacité est complexe à démontrer, le prix peut aussi être prohibitif. D'autant que, souvent, les biostimulants ne se substituent pas forcément à un engrais mais doivent être utilisés en complément. Autre argument qui explique ce surcoût, certains produits sont adaptés aux cultures sous serre et sont appropriés à de plus petites surfaces.

« La plupart des industriels ne sont pas encore prêts à investir le secteur des grandes cultures, estime Hubert Charpentier, agriculteur dans le Berry, à Brives (Indre). Des essais sont réalisés sur mon exploitation mais si je devais payer entre 300 et 500 E/ha pour certains produits, cela me reviendrait trop cher. Une fourchette plus raisonnable serait de 50 à 70 €/ha. D'autant que je pratique le semis direct depuis une quinzaine d'années, je n'aurai donc pas besoin de refaire un passage avec ces activateurs de sol chaque année. »

Pour cet agriculteur, avant de s'engager avec un produit, il est essentiel de réaliser des essais sur son exploitation. Mais il est aussi primordial de connaître son sol, ses problèmes et de savoir ce que l'on recherche.

« Si je souhaite par exemple améliorer la fixation de l'azote de l'air, j'ai besoin de la bactérie azotobacter. Déjà présente dans mon sol, j'ai décidé de la faire multiplier grâce à un échantillon provenant de mon sol et donc adapté à mes conditions pédoclimatiques. C'est Agronutrition qui s'en est chargé avant que cette souche soit épandue sur mon sol, cette société jouant le jeu des grandes cultures en termes de tarif.

Dans ce cas, je sais exactement ce qui est fait. Si on me vend un produit sans connaître la composition précise et qu'il contient par exemple de l'azote, l'effet sera là mais il me reviendra bien moins cher d'acheter directement de l'azote ! » 

Qu'y a-t-il dedans ?

Les biostimulants peuvent être des produits à base de micro-organismes vivants ou morts (mycorhizes, levures, bactéries fixatrices d'azote, champignons...), de substances humiques, composés chimiques, chitine/chitosan, d'éléments minéraux, extraits d'algues ou de plantes, de sels minéraux (silice...), d'acides aminés, de saccharides, lipides, protéines...