Utilisés depuis seulement trois ans, les SDHI (ou carboxamides) nouvelle génération ont encore progressé au printemps de 2013. Les panels de marché montrent que 68 % des hectares cultivés en blé ont reçu une spécialité fongicide contenant du bixafen ou du fluxapyroxad (45 % en 2012).

Selon Arvalis, les projections estiment que ce chiffre pourrait atteindre 83 % en 2015 sur blé. Ces nouvelles molécules se montrent très compétitives par rapport aux solutions existantes mais leur coût est plus élevé. Ainsi en moyenne, les innovations Adexar et Aviator X Pro ont été plutôt utilisées à 40-50 % de la dose d'homologation.

Le message consistant à n'appliquer qu'un SDHI par campagne (lire « Pas plus d'un SDHI par an ») semble aussi porter ses fruits : le nombre d'hectares ayant reçu deux SDHI en 2013 a baissé par rapport à 2012. « Malgré tout, il y a eu encore plus de 5 % des hectares traités avec plus d'un SDHI », alerte l'institut du végétal.

Différents modes d'action

Si l'epoxiconazole (Opus New) et le prothioconazole (Joao) restent les deux matières actives les plus utilisées sur céréales, les SDHI font désormais partie intégrante des programmes. La stratégie fongicide blé pour 2014 peut se bâtir en trois temps.

Première étape : évaluer la nuisibilité attendue pour décider du montant des charges fongicides à mettre en place. Plus le risque a priori est faible, moins il est nécessaire d'investir et inversement. Ce risque tient compte des maladies foliaires (septoriose et rouille brune) les plus nuisibles selon l'histoire et le pédoclimat de la parcelle, et de la tolérance des variétés semées.

Arvalis conseille de majorer la nuisibilité de 5 à 10 q/ha sur une variété très sensible et minorer d'autant sur une variété peu sensible. L'investissement à consacrer dépend du prix des fongicides mais aussi de celui du blé. Pour une nuisibilité maladie moyenne de 20 q/ha, la dépense fongicide idéale s'échelonne de 56 à 91 €/ha selon le prix du blé retenu : à 180 €/t, elle est de 75 €/ha.

En comparaison, en 2013, cette dépense moyenne s'est élevée à 80 €/ha (82 €/ha en 2008, 78 €/ha en 2012). Pour une nuisibilité plus faible, de 10 q/ha, l'investissement à envisager sera de l'ordre de 44 €/ha pour un prix du blé de 180 €/t.

La deuxième étape a pour but de construire un programme en ayant à l'esprit de diversifier les modes d'action : pas plus d'un SDHI, d'une strobilurine et d'un prochloraze par campagne.

Quant aux triazoles, il faut éviter d'utiliser deux fois la même matière active dans la saison.

Dans le cadre d'un programme à deux ou trois traitements, il est opportun d'utiliser les SDHI en T2.

« Les associations à base de SDHI avec un triazole sont mieux valorisées quand elles sont positionnées au stade dernière feuille pointante-dernière feuille étalée, plutôt qu'en T1 ou T3 », souligne Arvalis.

Les carboxamides n'ont pas d'activité marquée sur la fusariose de l'épi. Et le segment des T1 est déjà couvert par les associations à base de chlorothalonil, moins faciles à utiliser autrement et qui méritent d'être conservées pour maintenir une certaine diversité d'action. Les SDHI peuvent être aussi valorisées en traitement unique en cas de faible pression et d'arrivée tardive des maladies.

Sur septoriose, si les SDHI sont devenues incontournables, d'autres produits ne sont pas pour autant disqualifiés, notamment au traitement 1-2 noeuds, là où les exigences en termes d'efficacité sont les moins aiguës. Il est possible par exemple d'appliquer un mélange triazoles + chlorothalonil (Cherokee, Bravo Premium...). Les triazoles peuvent aussi être renforcées avec du prochloraze (Pyros EW...) au T1 ou T2.

Les strobilurines associées à des triazoles conservent leur intérêt sur rouille brune (les SDHI ne sont pas indispensables), du stade de ma dernière feuille au stade de l'épiaison. Tandis que les produits à base de triazoles (ou double triazole) ont une efficacité très satisfaisante sur rouille jaune.

Pour lutter contre les fusarioses, Prosaro reste, quelle que soit la dose, le meilleur compromis qualité/prix. Il peut être utilisé entre 0,5 et 1 l/ha en fonction du risque à couvrir et de l'investissement consenti. Fandango et Swing Gold sont les seules strobilurines utilisables en T3.

En cas de risque rouille brune associé à la fusariose, mieux vaut privilégier la strobilurine en T2.

En troisième étape, ce programme doit être ajusté en cours de campagne en fonction des symptômes observés et du contexte de la parcelle. Cela permet d'ajuster les produits aux maladies réellement présentes et les doses à la pression observée.

En année exceptionnelle, comme 2013 par exemple, il faut aussi rapporter la pression des maladies au stade du blé. Les conseils du baromètre maladie (lire l'encadré « Un service gratuit pour évaluer le risque ») ou du Bulletin de santé du végétal peuvent inciter à avancer ou retarder un traitement en fonction du climat de l'année.

Sans être exhaustifs, voici quelques programmes possibles proposés par Arvalis pour le Nord-Est. Pour une nuisibilité du feuillage a priori entre 10 et 15 q/ha (investissement optimal de 45-60 € +15 à 20 € pour chaque risque spécifique supplémentaire), il est possible d'appliquer en T1 Cherokee 1,4 l/ha ou Pixel 1,4 + Attento 0,7, puis en relais septoriose Osiris Win 0,8 + Pyros EW 0,3, ou Bell Star 0,5 + Pyros EW 0,7, ou Prosaro 0,4 + Pyros EW 0,7, ou Adexar 0,4 ou encore Aviator X Pro 0,4.

En présence de fusariose, une des solutions est d'appliquer Cherokee 1,4 puis Prosaro 0,8 ou Kestrel 0,8, ou Bell Star 0,5 + Pyros EW 0,7 puis Prosaro/Kestrel 0,8. S'il y a un risque de rouille brune associé à la septoriose, Cherokee 0,4 puis Viverda 1 ou Fandango S 1,2 est une possibilité.

 

Un service gratuit pour évaluer le risque

Arvalis propose des services disponibles gratuitement sur internet. Les fiches fongicides permettent de retrouver rapidement (sur www.fiches.arvalis-infos.fr) toutes les informations sur les produits homologués sur céréales à paille. Et notamment les caractéristiques de chaque spécialité, leur efficacité, la dose autorisée et le stade d'application.

Sur www.arvalis-infos.fr, le baromètre des maladies, fondé sur des informations agronomiques et climatologiques, calcule instantanément un niveau de risque pour le piétin verse, la septoriose, la rouille jaune, la rouille brune et la fusariose des épis pour les sept jours à venir. Il fournit le risque grâce aux stations météorologiques les plus proches.

Application Bayer lance Fonginews

Disponible depuis le début de novembre, cette application (téléchargeable sur AppStore et Android Market) est affectée à la protection fongicide des céréales. L'agriculteur y trouve des focus sur les maladies, des résultats d'essais, des témoignages, ainsi que des conseils agronomiques pour raisonner au mieu ses applications. Il aborde notamment le positionnement, la dose et l'alternance des modes d'action. 

Réserver les traitements tardifs pour certaines situations

Les traitements tardifs (en postfloraison) prolongent la protection contre les maladies foliaires en fin de cycle (septoriose, rouille brune, Microdocchium spp.), en maintenant l'activité photosynthétique de la plante aussi longtemps que nécessaire. Cela favorise un remplissage correct des grains. Ils ne doivent toutefois pas être généralisés mais peuvent être pertinents les années où la pression de la maladie est tardive et importante, comme 2008 et 2013 par exemple (renforcée par des retards de stade cette année).

Il est préférable de terminer la protection au stade du grain laiteux, soit 450°C/jour après l'épiaison. Dans la Région Midi-Pyrénées, les traitements pourront donc avoir lieu jusqu'à 24-25 jours après épiaison, 26-27 jours dans le Centre et 28-30 jours dans le Nord-Pas-de-Calais.

Il faut aussi veiller au délai d'application avant récolte du produit utilisé, qui varie de 28 à 35 jours en moyenne. Or le stade laiteux intervient toujours au moins 35 jours avant la récolte, hormis à proximité des bordures maritimes du Nord où il est de 45 jours.

En 2013, une petite période de trois à cinq jours avant le stade grain laiteux permettait cette intervention.Si la maladie est déjà présente, il faut traiter dès les premiers symptômes de septoriose ou dès les premières pustules de rouille brune sur F1 et F2.

« Si aucun symptôme n'est visible et que la maladie risque d'exploser sur variétés sensibles, le traitement tardif est envisageable », poursuit l'institut technique. Ce positionnement peut s'envisager lorsque le programme fongicide réalisé en début de campagne est faible. Il faut prendre en compte la dose, le niveau d'efficacité du produit et la date du dernier traitement. Celui-ci doit avoir eu lieu au moins 20 jours avant.

Le traitement tardif peut enfin être envisagé dans les parcelles disposant d'un potentiel suffisant, si l'état sanitaire est correct et/ou si la réserve utile est suffisante pour éviter un échaudage physiologique. « Il faut tenir compte d'une éventuelle application d'un T3 contre la fusariose », alerte l'institut technique, qui chiffre à seulement 4 q/ha de gain brut en moyenne le bénéfice lié à des traitements tardifs.

« Nous conseillons de ne pas investir au-delà de l'équivalent de 0,5 l/ha d'Opus (investissement de 20 €/ha) qui obtient de bons résultats sur rouille brune et septoriose dans le cas d'une protection « relais ultime ».