Dès 2015, les droits à paiement unique (DPU) disparaissent sous leur forme actuelle pour être remodelés en trois aides distinctes : un paiement « redistributif », un paiement « vert » et un paiement « de base ». Ces trois nouvelles aides découplées de la production doivent permettre de redistribuer progressivement les soutiens entre agriculteurs. L'objectif affiché du gouvernement est de soutenir l'élevage et l'emploi.
TROIS NOUVELLES AIDES DÉCOUPLÉES
Le paiement redistributif, aussi appelé surprime ou surdotation, consiste à majorer les aides sur les 52 premiers hectares (SAU moyenne nationale) de toutes les exploitations, indépendamment de leur taille.
La France a choisi de mettre en oeuvre cette surprime « pour encourager les exploitations les plus riches en emploi ». « Ce sera particulièrement précieux pour l'élevage », a assuré François Hollande, le 2 octobre, au Sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne.
Le paiement redistributif sera mis en place progressivement sur quatre ans. Son montant est défini chaque année de façon forfaitaire, en divisant l'enveloppe qui y est consacrée (20 % de l'enveloppe du premier pilier en 2018, soit 1,5 milliard d'euros) par le nombre d'hectares éligibles (14,6 millions d'hectares). Il atteindra ainsi 103 €/ha en 2018. Les étapes intermédiaires n'ont pas encore été dévoilées. Dans les simulations ci-contre, la surprime pour 2015 est fixée à 26 €/ha.
Malgré la polémique des dernières semaines, le gouvernement a décidé que la surprime sera appliquée avec le principe de la transparence pour les seuls Gaec. Autrement dit, chaque associé de Gaec détenant une « part Pac » se verra attribuer ce soutien. Pour un Gaec à trois, la surprime s'appliquera donc sur 156 hectares au maximum (52 ha x 3).
Le paiement vert représentera 30 % de l'enveloppe du premier pilier, soit 2,25 milliards d'euros, comme l'exige le règlement européen.
Pour une transition en douceur, la France a choisi de le calculer proportionnellement à l'aide historique de chaque agriculteur. Son montant sera adapté chaque année et convergera vers la moyenne nationale, qui est de 86 €/ha (26,2 millions d'hectares éligibles).
Pour bénéficier du paiement vert, il faudra se conformer au respect de trois mesures.
Maintien des prairies permanentes (PP). Obligation que le ratio prairie permanente/SAU, déterminé au niveau national ou régional, ne baisse pas de plus de 5 % par rapport à la référence 2012. En cas de dépassement global, l'obligation de remise en herbe sera individuelle. Cette tolérance de 5 % ne s'appliquera pas à certaines PP « sensibles » (par exemple celles situées en zone Natura 2000), qui ne doivent pas être retournées.
Diversité des assolements. Lorsque la surface de terres arables est comprise entre 10 et 30 hectares, obligation d'avoir au moins deux cultures différentes. La culture principale peut représenter jusqu'à 75 %. Lorsque la surface de terres arables est supérieure à 30 hectares, obligation d'avoir au moins trois cultures différentes. La culture principale doit représenter moins de 75 % et les deux cultures principales ensemble moins de 95 %.
Certaines exceptions sont prévues pour les exploitations essentiellement herbagères.
Surface d'intérêt écologique. Lorsque la surface de terres arables est supérieure à 15 hectares, 5 % au moins des terres arables (hors cultures permanentes) doivent être des surfaces d'intérêt écologique (SIE), en tenant compte de coefficients d'équivalence pour certaines SIE (par exemple, la surface équivalente SIE d'une haie sera supérieure à son emprise au sol). Ce seuil sera augmenté à 7 % si un acte législatif le confirme, suite à un rapport que la Commission devra rendre en mars 2017. Là encore, des exceptions sont prévues pour les petites exploitations et celles essentiellement herbagères.
Ce cadre européen doit être adapté en France puis validé par la Commission européenne, avant de s'appliquer en 2015 aux agriculteurs. A noter également que ces règles de verdissement s'ajoutent aux règles de la conditionnalité que l'on connaît aujourd'hui et qui seront adaptées après la réforme.
Le droit à paiement de base (DPB) correspondra au reliquat de l'enveloppe du premier pilier, après avoir mis en place toutes les autres aides (surprime, paiement vert, « bonus » JA, aides couplées, transfert du premier vers le deuxième pilier). Il pourrait représenter 47 % des aides du premier pilier en 2015, pour tomber à 32 % en 2019, soit respectivement 135 €/ha à 92 €/ha (26,2 millions d'hectares éligibles).
CONVERGENCE DU PAIEMENT VERT ET DU PAIEMENT DE BASE
Le paiement vert et le paiement de base (DPB) vont converger progressivement dans les mêmes proportions. Le taux a été fixé à 14 % par an, pour atteindre 70 % en 2019. L'exigence minimale du règlement européen consistait à ramener tous les agriculteurs à 60 % au moins de la moyenne nationale et à combler un tiers de l'écart à la moyenne pour tous les agriculteurs dont les aides sont inférieures à la moyenne.
La convergence consiste à rapprocher le montant de l'aide à l'hectare de chaque agriculteur, aujourd'hui fondé (pour partie) sur des références historiques datant de plus de vingt ans (moyenne 2000-2002, qui elle-même s'appuie sur l'historique de la Pac de 1992), vers une valeur commune à tous les hectares.
La convergence s'applique en tenant compte de la situation initiale de chaque agriculteur (dite « valeur de référence »). Ce sera 2014. Pour obtenir le montant du nouveau DPB de chacun, reportez-vous à la méthode détaillée dans nos exemples ci-dessus et page 47.
Un système de limitation des pertes liées à la convergence sera mis en place, afin que les valeurs du DPB et du paiement vert en 2019 n'aient pas diminué de plus de 30 % par rapport à la valeur de référence de 2014. Onze mille exploitations seraient concernées par ce dispositif.