« Sur l'île de Ré, il y a plus de lapins que d'habitants ! Les Acca (Associations communales de chasse agréée) annoncent chaque année qu'elles ont tué 8 000 lapins par commune ! » Francis Bourriau, technicien à la coopérative UniRé, ne sait plus à quel saint se vouer face à ces légions qui se nourrissent dans les parcelles de vigne, de maraîchage et d'horticulture de l'île. « Pour la première fois l'an dernier, on a vu des lapins s'en prendre à des parcelles de pommes de terre. » Quant aux vignes, ils en arrachent l'écorce en hiver, grignotent les bois en été et s'en prennent aux raisins avant les vendanges.
Cette situation amène des tensions au point qu'un horticulteur a fini par poursuivre l'Acca de sa commune pour manquement à son obligation de réguler la faune sauvage. Le tribunal de La Rochelle a retenu son argument et condamné la fédération à lui verser 18 000 euros. La décision a été confirmée en appel. La procédure se poursuit en Cour de cassation.
BOUCS EMISSAIRES
À Saint-Médard, à l'autre extrémité du département, ce sont encore des lapins qui s'en sont pris à des vignes. Là encore, l'affaire a fini devant le tribunal, à Jonzac cette fois. Les chasseurs ont été condamnés à verser 21 500 euros à Serge Guibert, le viticulteur.
Les chasseurs ont le sentiment d'être les boucs émissaires d'un problème qui leur échappe. Certes, ils ont des obligations légales sur la régulation de la faune sauvage. Elles portent sur les moyens mais, plaident-ils, pas sur les objectifs à atteindre. Pour Jean-Michel Dapvril, directeur de la Fédération départementale des chasseurs, leur emprise ne concerne qu'une petite partie de la commune et que quelques mois par an, « alors que le lapin nécessite une gestion douze mois sur douze ».
Le problème relèverait aussi de la compétence des élus locaux : « Les maires n'hésitent pas sensibiliser les propriétaires de parcelles en friches au risque d'incendie mais, lorsqu'il s'agit des lapins, ils rechignent davantage. »
Les solutions passent par le dialogue. Sur l'île de Ré, Anthony Cordon, jeune exploitant, a lancé des comités réunissant chasseurs et agriculteurs. Le maire de La Couarde-sur-Mer est maraîcher et président de l'Acca, une double casquette qui lui permet d'apaiser les tensions. Enfin, Serge Guibert, le viticulteur qui avait gagné contre l'Acca de Saint-Médard, fait désormais partie de son conseil d'administration. « La profession agricole a un droit de représentation dans les Acca, rappelle Jean-Michel Dapvril. Dommage qu'elle ne l'utilise pas davantage. »