Bienvenue chez moi ! » Avec un large sourire, Mohamed Daoudi, 61 ans, casquette vissée sur le crâne, nous accueille sur son exploitation maraîchère. Treize hectares, dont huit de serres où il ne fait « cette année que des courgettes et des aubergines, mais ça change sans arrêt : tomates, melons, salades... »
Le maraîchage, ça fait cinquante ans qu'il baigne dedans. Comme ouvrier agricole d'abord, à 18 ans, dans sa région d'origine, au nord du Maroc. Puis à son compte depuis 2000, à la périphérie de Salon-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. Entre temps, comme beaucoup de ses compatriotes, il a traversé la Méditerranée pendant plusieurs années pour travailler comme saisonnier en Provence, avant d'y poser ses bagages en 1990 et d'y faire venir sa famille.
UNE CARTE PROFESSIONNELLE DIFFICILE À OBTENIR
D'abord exploitant des terres en location, Mohamed a franchi le dernier pas en 2008, en achetant une exploitation dans le voisinage, via la Safer. Il a investi dans du matériel, retapé les installations, embauché des salariés, et son affaire tourne bien. A un gros détail près : « Quelques mois après mon arrivée, un courrier m'a annoncé que la vente était annulée », raconte-t-il. « Le tribunal a validé la préemption de la Safer mais a invalidé la rétrocession à M. Daoudi car il n'avait pas de carte professionnelle, explique la Safer Paca. Cette carte n'existe plus mais, en 2008, elle était exigée pour les ressortissants étrangers souhaitant acquérir des terres. »
Depuis, le maraîcher a tenté d'obtenir le fameux sésame. Il a fini par se voir délivrer un formulaire remplaçant ladite carte mais son affaire s'éternise devant le tribunal. « Pourtant, mon dossier a été accepté à la MSA et, depuis 2000, je paye des charges et des cotisations. Aujourd'hui, on me dit que je ne suis pas agriculteur ! », ironise-t-il.
L'achat de terres par des ressortissants étrangers, fussent-ils aussi bien intégrés que Mohamed, n'est pas vraiment entré dans les normes, reconnaît la Safer à demi-mot. Pourtant, depuis plusieurs années, les maraîchers qui s'installent dans la région sont essentiellement des Marocains. Alors que les conditions de travail sont plus difficiles, les jeunes Français sont de moins en moins attirés par le métier. Beaucoup d'ouvriers agricoles immigrés finissent par devenir leur propre patron. « Venu en France pour travailler », Mohamed pourra toujours retourner au Maroc « s'il y a des problèmes ». Mais ce n'est pas son souhait. D'abord parce qu'il a pris un crédit sur vingt ans pour s'installer. Ensuite, parce qu'il se sent bien ici, où ses enfants sont nés. Alors que nombre de Français se retrouvent sans successeur, lui prévoit que son fils prendra la relève.