« Les contrats bio limitent les fluctuations et donnent de la visibilité sur les niveaux de charges couvertes, souligne Franck Bluteau.

Pour Franck Bluteau, agriculteur vendéen, adhérent et administrateur de la Cavac, « les années où les prix sont haussiers sur grandes cultures, le prix moyen proposé par la coopérative est globalement plus intéressant que la moyenne des prix ferme ».

Franck cultive 400 hectares en Gaec avec deux associés et un salarié à Jard-sur-Mer. Tirer parti de la volatilité pour un agriculteur semble difficile, s'en prémunir reste plus sûr.

Des contrats stabilisants

Des opportunités existent, notamment dans le bio. « Lorsque la coopérative a commencé à valoriser les qualités biologiques, nous avons décidé, en 2009, de convertir 125 hectares en agriculture biologique, certifiés depuis 2011 », explique Franck Bluteau. Pour cette qualité, les prix sont déconnectés du marché classique et la coopérative propose des contrats pour trois ans.

« Les contrats bio limitent les fluctuations et donnent de la visibilité sur les niveaux de charges couvertes, souligne l'agriculteur. Pour les débouchés sous contrat, en 2011-2012, nous n'avons pas connu la même hausse de prix qu'en conventionnel à prix ferme ou d'acompte. En 2013, si la baisse des cours des grandes cultures se poursuit, cela n'aura pas d'incidences directes sur le prix de vente. »

Autres cultures sous contrat, la production de semences, avec respectivement 20 hectares de tournesol et de colza. « Si le contrat est rempli, on connaît à l'avance les résultats escomptés », explique Franck.

 

 

Garantir 20 à 30 % au prix moyen

Il reste 270 hectares de cultures en conventionnel, dont 50 hectares de prairies naturelles, 80 à 100 hectares de blé dur, 50 à 80 hectares de maïs et 20 à 30 hectares de tournesol.

Pour les cultures en conventionnel, le Gaec a créé une autre entreprise en raison de la règle des doublons, qui ne permet pas à une exploitation de cultiver à la fois du bio et du conventionnel pour la même espèce.

« Au niveau de la commercialisation en conventionnel, nous vendons 20 à 30 % des maïs et tournesol avant récolte. Pour le blé dur, la coopérative propose des contrats à trois ans, sur lesquels on engage 15 à 20 % de la production », indique Franck Bluteau. Les céréales et oléagineux conventionnels engagés en prix de campagne à la coopérative assurent au Gaec un prix minimum et de la visibilité sur les marges.

Le reste des cultures en conventionnel, qui n'est pas engagé au prix moyen, est écoulé en cours de campagne en fonction de la rentabilité de l'exploitation et des coûts de production.

Se construire un tunnel de prix

Pour gérer leurs coûts, Franck et ses associés travaillent avec leur centre de gestion pour déterminer un niveau de résultat optimal et minimal. L'objectif de ces estimations est de payer leurs charges et se rémunérer au plus juste dans le cas du minimum, voire d'investir avec une marge de sécurité sur le scénario optimal. Ils se construisent ainsi un tunnel de prix en fonction de leurs charges.

« En termes de charges, nous évaluons les coûts fixes, de structure et opérationnels, ainsi que les remboursements d'emprunts », explique Franck Bluteau. Ils déterminent ensuite le produit brut à réaliser, moins les charges estimées, pour obtenir leur excédent brut d'exploitation (EBE) d'objectif au minimum et à l'optimum. L'EBE des productions sous contrat et engagées à prix moyens est estimé facilement, reste à défi nir celui du conventionnel à prix ferme.

« Lorsque nous faisons notre assolement, nous partons sur un rendement d'objectif et un prix d'objectif minimal et optimal », indique-t-il. Un tableur Excel leur permet ensuite d'écouler leurs productions et de moduler, en fonction des ventes en cours de campagne, leurs prix d'objectif.

 

Expert : SÉBASTIEN PONCELET, consultant d'Agritel (Paris)

 

« Construire sa propre grille de repères »

« La stratégie de vente des céréales par un agriculteur ne doit pas se faire en fonction du seul avis du marché. Choisir d'assumer ses ventes commence par accepter que l'on ne puisse pas vendre au plus haut. Faire mieux que le marché est très dur et les acrobates qui s'y risquent s'exposent à de violents retours de bâton. Chacun doit donc construire sa propre grille de repères avec les différents objectifs de vente à atteindre (couvrir ses charges, dégager un revenu minimum, développer son entreprise, épargner, etc.).

Si le marché permet d'obtenir précocement le plus haut repère, pourquoi attendre ? Il faut cependant être en mesure d'assumer les risques que l'on prend sur les marchés, au moins en termes de trésorerie. Etre acteur de sa commercialisation, c'est avant tout poser un raisonnement et bâtir une stratégie évolutive.

Le logiciel Agrinext gère ces questions. Mais tenir une ligne sécuritaire dans ses ventes ne doit pas dispenser de garder un levier de performance, pour faire face aux années où les prix de vente sont en dessous des coûts de production. Les stratégies à base d'options, lorsqu'elles sont utilisées à bon escient et judicieusement, répondent à ces deux objectifs antagonistes.

En résumé, pour s'assurer un revenu à long terme, il faut anticiper ses coûts de production. Un agriculteur qui sécurise aujourd'hui une partie de sa récolte sur 2014 doit raisonner en parallèle ses achats d'intrants pour que les prix de vente marqués à terme sur les marchés couvrent ses charges de structure et opérationnelles, ainsi que ses annuités, et qu'il dégage le revenu espéré. »