Mardi 4 juin, 9 h 30, sous le soleil drômois de la commune de Montmeyran. Au sol : des marques de sabots des chevaux du haras situé en contrebas. Au loin : la plaine encore verdoyante de Valence. Quand on s'approche, le clapotis des vagues sous le vent du Nord berce nos oreilles, alors que trois joggeuses font le tour du bassin de stockage de Juanon, 1 500 mètres. Pour un peu, on irait se baigner..., mais ce serait bafouer la pancarte qui interdit « pêche et baignade ». En effet, cette réserve de substitution, réalisée en 2005 par le syndicat d'irrigation du sud-est Valentinois, n'a pas développé d'activités ludiques à cause du sous-sol sablonneux, qu'il a fallu solidifier par du ciment et d'une membrane bitumineuse. Mais la création d'une réserve d'une capacité de 700 000 m3 pour irriguer 330 ha a déjà été un exploit en soi. Certes, il a fallu dix ans, mais ce projet est le fruit d'une grande solidarité entre quatre syndicats d'irrigation (lire encadré) : celui du canal de la Bourne (SICB, fournisseur d'eau), celui du sud-est Valentinois (SISEV, qui a créé la réserve), et ceux des utilisateurs des zones de Crest-nord (SICN) et d'Allex-Montoison (SIAM).

UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS TOUS LES ÉTÉS

Une solidarité qui répondait à une situation difficile pour les irrigants. « De juillet à août, trois années sur quatre, le débit de la rivière Drôme était inférieur au débit réservé et l'irrigation était interdite par le préfet quatre jours par semaine », se rappellent Jean-Paul Crouzet et Hervé Peyrard, agriculteurs et vice-présidents du syndicat d'irrigation drômois. Après l'échec de plusieurs projets de création de retenues « pour des raisons environnementales », l'idée est de transférer l'eau d'un bassin versant qui ne subit pas de restriction, à un autre. Le SISEV a ainsi construit la réserve de Juanon, afin de stocker l'eau de la rivière Bourne de l'automne au printemps, pour alimenter l'été, en aval, les syndicats SIAM et SICN qui prélevaient avant dans la rivière Drôme. « Au final, cette réserve permet juste de maintenir un étiage correct à la rivière Drôme et une activité agricole, sans création d'hectares irrigués en plus, précisent les agriculteurs. L'irrigation, c'est une assurance récolte. Cela nous permet de sécuriser les rendements en production de semences (tournesol et maïs notamment), plantes aromatiques, ail, oignon et grandes cultures, et d'être moins sensibles aux restrictions estivales d'irrigation, qui varient, selon le climat, de 20 à 60 % tous les ans. Nous pouvons maintenant irriguer sept jours sur sept, tout en respectant les arrêtés sécheresse. Mais outre ces restrictions, en 2017, le volume prélevable en vallée de la Drôme sera réduit de 40 %. Grâce à Juanon, la baisse ressentie sera de seulement 15 %. » Pour résorber ces 15 %, deux autres projets sont à l'étude. Mais pas de réserve cette fois, plutôt un agrandissement d'infrastructures existantes.

BÂTON DE PÈLERIN

Pour y parvenir, l'expérience de Juanon pourrait bien servir. En 1996, avec leur bâton de pèlerin, ingénieurs, élus et agriculteurs, convaincus du bien-fondé de cette réserve, partent battre la campagne. Visionnage d'un film, discussions avec les riverains dans les villages concernés... « Agriculteurs et non-agriculteurs locaux ont appuyé le projet. Au moment de la construction de Juanon, dix ans après, il n'y a pas eu de contestation, » se souvient Léo Chovin, président du syndicat du sud-est Valentinois, qui était à l'époque de la construction maire de Montvendre (à 6 km de Montmeyran). Pas dupes pour autant, tous précisent que ce projet a peut-être aussi été accepté « grâce » à l'échec d'un gros projet voisin de 11 millions de m3 à usage multiple, proposé en même temps.