« La forêt est généralement un héritage dont on ne sait pas quoi faire, mais dont on ne veut pas se séparer, convient Claude Desrieux, propriétaire forestier dans la Drôme. D'autant que l'exploitation forestière de petites parcelles coûte plus qu'elle ne rapporte. » Partant de ce constat, une poignée de propriétaires forestiers drômois et isérois se sont regroupés en 2009. Ainsi est née l'association syndicale libre de gestion forestière (ASLGF) du Bas Dauphiné, qui regroupe aujourd'hui 38 propriétaires pour environ 820 hectares de forêt destinée à la production de bois d'oeuvre. « Seuls les propriétaires peuvent être moteurs d'un regroupement comme celui-ci. Ce qui explique peut-être qu'ils sont peu répandus », ajoute Claude Desrieux, président de l'association.

QUALITÉ DES TRAVAUX

Les propriétaires, adhérents de l'ASLGF, apportent leurs parcelles à la structure sur le modèle d'une copropriété immobilière (quote-part). La mise en place d'un plan simple de gestion (PSG), validé individuellement et mis en oeuvre collectivement, a été décidée en conseil d'administration. Ce document de gestion, agréé par le centre régional de la propriété forestière (CRPF) Rhône-Alpes en 2010, pérennise l'engagement des propriétaires dans la démarche et établit pour 15 ans le calendrier des travaux : aménagement de dessertes, coupes, éclaircies, etc. Jean-René Lorang en est le régisseur. Homme de l'art et membre Pro-Sylva, il met en oeuvre les objectifs du PSG. Il s'occupe seul du martelage des arbres (marquage) et contrôle le travail des bûcherons avant, pendant et après leur passage pour s'assurer de la qualité des travaux. « Ces prestations garantissent le professionnalisme et un travail de qualité aux adhérents », observe Pierre Rostaing, agriculteur et membre du groupement. « Toutefois, les propriétaires sont libres de faire appel aux personnes de leur choix pour le bûcheronnage ou d'effectuer les travaux eux-mêmes dans le respect des objectifs du document de gestion », précise-t-il. L'ASLGF a choisi de dissocier la vente du bois de son activité de gestion, « nous ne sommes pas une coopérative forestière », précise son président. Les grumes (troncs coupés) sont mis à disposition en « bord de route », à charge pour le propriétaire d'en assurer la vente seul ou par l'intermédiaire du régisseur.

GESTION DURABLE

« Le PSG définit un itinéraire sylvicole pour éclaircir les parcelles tous les 5 ans et ainsi faire grossir le bois. Fini les coupes rases tous les 30 ans. Une nouvelle approche plus complexe à mettre en oeuvre mais plus rémunératrice à terme », analyse Jean-René, fervent défenseur de la futaie irrégulière. Cette conduite répond à un impératif économique pour les propriétaires tout en améliorant la valeur patrimoniale des parcelles forestières. Le document de gestion prend aussi en compte la protection des paysages et les attentes locales. Il permet une approche « écosystémique » de la forêt. « Les futaies irrégulières améliorent les peuplements et permettent d'accompagner l'impact du changement climatique sur les essences. Elles ont de surcroît un effet bénéfique sur les sols et l'écoulement des eaux », explique Jean-René Lorang. Cette valeur environnementale et une gestion « collective » des propriétés forestières de l'ASLGF ont permis aux adhérents d'obtenir l'appui des conseils généraux et de la Région Rhône-Alpes. Ainsi, un propriétaire ne paye que 20 % des travaux liés à sa quote-part, le reste étant absorbé par les subventions et les compensations carbone (voir encadré). Le CRPF aide les propriétaires en s'occupant des programmes de subventions ou en organisant des opérations foncières. « Parce qu'elle porte localement un projet d'avenir forestier, l'ASLGF est un modèle de valorisation de la forêt privée en termes d'emploi local, de gestion et d'exploitation durable de la ressource bois entre générations de propriétaires », complète Loïc Casset, agent du CRPF Rhône-Alpes.