Pour le Gaec des Colibris, situé à Méaudre (Isère), l'enjeu est de réussir à sécher les balles carrées de façon uniforme et sur toute la hauteur du stockage, qui peut atteindre 4 mètres. Il s'est adapté aux conditions climatiques du nord du Vercors et aux conditions économiques parfois difficiles de la filière viande. A la tête d'une exploitation de 160 ha comptant 220 bêtes, dont 90 vaches allaitantes, les trois frères ont adopté une stratégie de séchage du foin qui s'inscrit pleinement dans une logique compétitive et de valorisation de leur activité.
MODE DE SÉCHAGE ORIGINAL
Depuis l'achat de la ferme par leur arrière-grand-père en 1929 et la reprise par leur père en 1964, Eric, Yannis et Sébastien Rochas ont vu et fait évoluer la production et l'investissement. « Nous misons aujourd'hui sur un mode de séchage des balles original et efficace. Il repose sur une aspiration d'air extérieur qui est réchauffé ou déshumidifié. » Une turbine aspire et expulse l'air sec, voire chaud, dans un plancher de caillebotis occupant toute la surface de la grange, d'environ 250 m2. L'air doit circuler lentement entre tous les interstices. Les brins au sein même de la balle carrée de 120 x 70 doivent être pressés afin que le minimum d'air puisse filtrer. De la même façon, les balles ne doivent pas être trop compressées les unes contre les autres. A l'inverse, un espace trop grand formera une circulation d'air préférentielle qui ne profitera pas au séchage.
Avec une rosée souvent forte le matin, une adaptation a dû être réalisée. « Dans ce cas, 70 % de l'air rentrant dans le système provient de l'extérieur et 30 % de l'air est repris et réutilisé », précise l'éleveur. Un pont roulant équipé d'une griffe à fourrage est utilisé pour déposer, déplacer et sortir les balles carrées. Un ajustement manuel peut s'avérer nécessaire pour accoler correctement les balles. Les niveaux de balles carrées sont montés petit à petit, à raison d'un niveau et demi par jour. « Seul bémol à ce système de séchage, vu le climat ici, lorsque la ventilation est coupée, il arrive que la première couche de balles, la plus basse, réabsorbe un peu d'humidité », regrette Yannis Rochas.
Au final, c'est plutôt une réussite et le Gaec n'est pas prêt de changer de solution pour sécher les 370 tonnes de foin produites chaque année à partir de 100 ha de parcelles, les 60 ha restants étant laissés en pâture.
INVESTIR ET S'ASSURER DE LA RENTABILITÉ DU SYSTÈME
Des conditions de production particulières. L'exploitation est située sur un plateau qui s'élève à environ 1 000 mètres d'altitude, avec un microclimat montagnard rigoureux. Les frères Rochas ont cherché à s'affranchir des conditions locales parfois très humides. Ils rentrent assez tôt le foin, deux jours après la coupe, à environ 30 % d'humidité, au lieu de trois à quatre jours de séchage extérieur pour leur voisin. Cela leur permet d'obtenir une bonne qualité en gardant plus de feuilles sur tiges. Lorsque tout le foin est rentré, le séchage par air pulsé dure encore en moyenne quinze jours. Ils tentent ainsi de stabiliser le foin à 12-14 % d'humidité.
La marge ne s'évapore pas. Le premier système, comportant pompe à chaleur, déshumidificateur, ventilation et pont roulant, a été mis en place en 1976 pour sécher de petites balles carrées. La production en grosses bottes a démarré en 1996. Un second hangar, de surface équivalente au premier, a été équipé de la même manière en 2008. Des panneaux photovoltaïques ont d'ailleurs été montés sur toit à cette époque. Le séchage associé a été envisagé mais il coûtait trop cher. Le Gaec a préféré revendre l'électricité produite au prix de rachat de l'époque. « En ce qui concerne le coût, la consommation électrique du séchage dans les deux granges représente environ 1 500 euros par an. C'est 10 % de la facture annuelle totale d'électricité du Gaec », calcule Yannis Rochas.
Une affaire qui tourne et des évolutions en vue. Dès le début de l'itinéraire technique, la démarche originale des frères Rochas réside dans la simplification et le gain de temps par le passage récent au semis direct. Quant au matériel nécessaire à chaque étape, il est soit en propriété (faucheuse, tracteurs, semoir), soit en copropriété (pour faner, andainer), soit en Cuma (botteleuse, épandeur). Cette organisation a été étudiée dans le but de diminuer les coûts.
Pour assurer la vente et valoriser la production, le Gaec a créé son laboratoire de découpe en 1996 et vend 100 % de sa production de viande bovine et veau, produits du Parc du Vercors, en direct. Il s'est converti au bio en 1999 et les frères Rochas ne comptent pas arrêter leur aventure en si bon chemin.
Un autre projet pourrait voir le jour. Il s'agit cette fois d'investir dans un méthaniseur pour produire électricité et chaleur. Celle-ci pourra chauffer les maisons l'hiver et remplacer la pompe à chaleur pour sécher le foin en saison. Le Gaec investirait alors dans une petite unité pour utiliser si possible uniquement les intrants issus de l'exploitation. Une autre idée de projet est d'utiliser la chaleur produite par méthanisation pour sécher des plaquettes de bois dans une autre cellule.
De la production de fourrages à la vente directe de viande sur l'exploitation, les frères Rochas s'investissent et mettent en place des procédés originaux en vérifiant systématiquement leur viabilité économique. Ces enfants du Vercors promettent donc d'autres surprises. Là-haut, on ne manque pas d'air !