Jean-Marc Belluteau s'est installé en 2006, à vingt-trois ans, en individuel. Issu d'une formation en viticulture, c'est pourtant l'élevage qu'il a choisi. Passionné de génétique, il élève 70 mères blondes d'Aquitaine et aubrac en Charente-Maritime.

 

Dans sa région, où l'on produit pineau et cognac, trouver des prairies pour s'installer n'est pas chose facile. « Les troupeaux disparaissent petit à petit de nos campagnes », regrette le père du jeune homme.

En se tournant vers le Conservatoire des espaces naturels (Cren) et le Conservatoire du littoral, Jean-Marc a trouvé des propriétaires « sûrs », qui lui ont permis de s'installer sur une autre structure que celle de ses parents. « Je sais que mes terres ne vont pas changer de main », souligne l'agriculteur.

Un strict cahier des charges

Sur la centaine d'hectares de prairies qu'il exploite, seuls cinq hectares appartiennent à des propriétaires privés. Le reste est loué via une convention publique au Conservatoire du littoral, ou en baux ruraux environnementaux au Cren.

Jean-Marc entretient de bonnes relations les deux organismes. Il vient même de renoncer à son droit de préemption. « J'avais signé un compromis de vente pour 14 hectares, lorsque la Safer m'a informé que le Cren était intéressé », raconte-t-il.

Le jeune éleveur ne regrette pas sa décision. « Cela m'a évité d'investir dans du foncier, explique-t-il. En plus, les loyers sont faibles avec un bail environnemental, environ 40 euros par hectare et par an. »

Le Cren est propriétaire de toutes les parcelles qui l'entourent. Jean-Marc y a vu une autre opportunité : « Comme une partie de mes prairies est à plus de 70 km de mes stabulations, j'espère pouvoir un jour les regrouper. »

Bon sens paysan

Le bail rural environnemental est un bail classique de neuf ans, soumis au statut du fermage, mais qui doit se conformer à certaines pratiques agricoles énumérées dans le code rural. Jean-Marc a, notamment, l'interdiction de retourner les prairies et de les amender.

Il doit respecter de strictes périodes de fauche, voire une interdiction totale sur certaines parcelles et un chargement de 1 UGB/ha. Le contrat va jusqu'à se mêler du paysage : les barrières et les parcs d'attrape en fer sont par exemple proscrits. Le non-respect de ces clauses est un motif de résiliation ou de non-renouvellement du bail.

Une indemnité pour dégradation de fonds peut même être demandée par le propriétaire.« Ce que certains agriculteurs peuvent vivre comme une contrainte, ne l'est pas pour moi, assure Jean -Marc. Un marais doit rester naturel, mes bêtes y sont de mars à octobre les bonnes années et je suis en deçà du chargement imposé (1 UGB/1,5 ha) », indique-t-il.

Le jeune éleveur est allé plus loin dans sa démarche en contractant plusieurs mesures agroenvironnementales (MAE) sur ses prairies permanentes. Toutefois, il n'est pas intéressé par une labellisation bio. « Ce qui compte, c'est le bon sens paysan », conclut-il.

Repères

• Le Conservatoire des espaces naturels est une association loi 1901, agréée par l'Etat et la région. Il propose des contrats de droit public.

• Le Conservatoire du littoral est un établissement public. Il propose des contrats soumis au statut du fermage.

Un contrat ouvert aux propriétaires privés

Dans des zones spécifiques, comme des sites Natura 2000 ou des sites classés, les propriétaires privés peuvent, en accord avec le preneur, insérer des clauses environnementales dans le bail rural de neuf ans.

La loi d'avenir agricole en préparation pourrait les étendre à tous les territoires. La proposition ne fait pas consensus au sein de la profession. Pourtant, selon Pascal Daneels, directeur des actions territoriales à la Fédération des conservatoires des espaces naturels, « c'est un outil intéressant qu'elle doit s'approprier.

Mais pour que le bail rural environnemental soit un véritable outil de gestion agroenvironnementale, les clauses doivent être précisément définies. Cela nécessite au préalable un état des lieux agronomique. Ensuite, l'assistance d'un juriste est indispensable à la bonne rédaction des clauses. »