Les toits des stabulations représentent souvent des surfaces importantes. C'est pourquoi il peut paraître séduisant de récupérer l'eau qui s'en écoule. Ce n'est pas une opération simple.

Il faut limiter la matière organique sinon elle sera à l'origine de fermentations à l'intérieur de la cuve de stockage et dégradera la qualité de l'eau (lire l'encadré sur les critères de potabilité à maîtriser).

Les investissements nécessaires limitent souvent l'intérêt de ces solutions. Mais dans des contextes particuliers, le système peut devenir une source d'économies non négligeables.

Voici deux exemples : en Lozère, à 1.000 m d'altitude, et dans la Mayenne, qui bénéficie d'une pluviométrie plus régulière.

L'exemple de la Lozère

Virginie et Sébastien Durand, installés à Gabrias, abreuvent leurs 50 vaches laitières en partie avec l'eau de pluie. Ils ont profité de la construction de leur stabulation en 2010 pour installer et tester un système proposé par les organismes agricoles (lireLa France agricole du 11 février 2011).

L'enjeu est important pour la région car l'eau est une ressource précieuse. A tel point que certains maires, en période de pénurie, limitent son usage. Les premiers résultats de cette installation pilote sont satisfaisants.

 

« Les analyses bactériologiques sont correctes, indique Jean-Charles Commandré, de l'OIER-Suamme (1). Elles correspondent à celles d'une eau de baignade de très bonne qualité. Il reste quelques points à améliorer, comme l'efficacité du décanteur. »

 

Celui-ci est installé en amont de la cuve et piège en partie la matière organique. Lors d'orages violents, le système peut se révéler défaillant. Le flux de l'eau est tel que le dépôt au fond du décanteur remonte à la surface et « s'infiltre » dans la cuve.

Un système de filtration complémentaire est à l'étude. Il devra pouvoir absorber des flux importants d'eau car les orages sont fréquents en Lozère.

Un volume maximal doit être stocké, d'autant que la capacité de 130 m³ le permet. Un tel stockage absorbe ainsi de gros orages, jusqu'à 90 mm pour ne pas perdre une goutte, notamment pendant l'été, en période de disette.

 

En 2012, l'installation a collecté 1.050 m³ d'eau. « Cela représente une économie d'environ 1.000 € pour l'année, indique Virginie. Avec les pluies de cet hiver, la cuve est presque pleine. Si l'été n'est pas trop sec, l'économie pourrait être plus importante en 2013. C'est en tout cas un investissement que nous ne regrettons pas car les tarifs de l'eau pourraient augmenter dans les années qui viennent. »

 

Pour l'instant, cette économie rembourse l'investissement. Les 40 % des 34.000 € à la charge des époux seront remboursés dans treize ans.

Du côté de l'entretien, le décanteur doit être curé. « Nous nettoyons aussi la cuve une fois par an, afin de retirer la matière organique qui échappe au décanteur, ajoute Virginie. L'intérieur, accessible depuis une trappe, est ensuite rincé à l'aide d'un nettoyeur à haute pression puis désinfecté avec de l'eau de Javel.

L'exemple de la Mayenne

 

Dans la Mayenne, le contexte est différent. « L'eau souterraine est plus accessible », indique Loïc Fulbert, du Groupement de défense sanitaire. Si Mickaël Marquet, à la tête de 120 vaches laitières à Nuillé-sur-Vicoin, avec Stéphane Lécrivain et Hervé Trémeau, a installé un système de récupération des eaux de pluies, c'est pour améliorer l'autonomie de l'élevage.

 

« A la fin des années 2000, nous avons doublé l'effectif et le forage ne suffisait plus pour abreuver tout le cheptel, indique-t-il. Lorsque nous avons construit notre stabulation (1.900 m²), nous l'avons équipée de cheneaux et dirigé le flux vers un point unique. »

Neuve, une cuve en polyétylène revient entre 0,36 et 0,44 € par litre stocké, soit entre 10.800 et 13.200 € pour 30 m³. Cela représentait un investissement trop important par rapport au prix de l'eau du réseau. « Mais nous avons acheté une cuve d'occasion en résine de 13 m³, ajoute Mickaël. Elle nous a coûté 1.000 €. »

 

Sa capacité est un peu juste pour tout récupérer. Mais pour Loïc Fulbert (lire « Eau de pluie : bien calculer son coût si on veut la récupérer »), il n'est pas nécessaire de prévoir un stockage trop important. « Dans la plupart des cas, entre 20 à 30 m³ suffisent », indique -t-il. Dans la Mayenne, la pluviométrie est mieux répartie sur l'année, à la différence de la Lozère. Et il faut penser que la cuve se vide tous les jours.

 

« En hiver, le besoin quotidien pour l'abreuvement des 120 vaches et de leur suite avoisine 14 m³ », indique Mickaël. L'eau du toit ne garantit donc pas l'autonomie. D'autant qu'il faut compter sur des pertes. L'équipement installé par Mickaël est économe et garantit la qualité.

 

Avant de rejoindre la cuve, l'eau transite par un filtre composé de différentes couches de sable (lire « Eau de pluie : bien calculer son coût si on veut la récupérer ») qui retient la matière en suspension. Et celle-ci ne manque pas (voir la photo de droite ci-dessous) !

 

Les éleveurs ont donc prévu un système de nettoyage simple. La partie supérieure du filtre se soulève facilement et, une fois par mois, la couche d'impuretés est retirée à l'aide d'une truelle. Cela prend dix minutes.

 

 

Avant de rejoindre l'abreuvoir, les associés ont choisi de reminéraliser l'eau. « Elle passe à travers des calcaires marins, indique Loïc Fulbert, afin de rééquilibrer sa teneur en calcium et en magnésium notamment. Sa qualité se rapproche ainsi de celle de l'eau présente dans la nature. »

Dernière étape, après le transfert dans une cuve en Inox où l'eau du forage et du toit se rejoignent, il y a une chloration. « Cela permet de sécuriser le système et de préserver la qualité pour une exploitation qui adhère à la charte des bonnes pratiques dans la mesure où cette eau est utilisée pour le nettoyage du robot de traite », ajoute Loïc Fulbert.

Prochaine étape : Mickaël étudie l'achat d'une nouvelle cuve pour optimiser le stockage.

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(1) Organisme interétablissement du réseau des chambres d'agriculture du Languedoc-Roussillon.

Une cuve enterrée

Afin que l'eau reste à température constante et protégée des UV, mieux vaut que la cuve soit enterrée, qu'elle soit en béton ou en polyéthylène. Dans le cas du polyéthylène, l'espace doit être protégé du passage des engins. Et ce n'est pas toujours facile de trouver l'endroit idéal.

Le béton est plus résistant. L'éleveur peut le mettre en place lui-même. Le béton neutralise l'eau de pluie dont le pH est très acide grâce à ses composés basiques. Sa surface peut en revanche se dégrader et l'on peut retrouver des particules dans l'eau.

Certains matériaux sont sensibles, comme l'acier non protégé. Il peut subir une corrosion et vieillir rapidement. Dans le cas d'un achat d'occasion, il faut vérifier toutes les caractéristiques.