Installés au Tremblay, en Maine-et-Loire, Frank Dalifard et sa femme ont un objectif : l'autonomie alimentaire pour leurs 45 vaches laitières. Quasiment toute la nourriture est produite sur l'exploitation de 87 hectares, qui compte 50 ha de prairies temporaires, 15 ha de maïs ensilage, 5 ha de mélange luzerne-dactyle et 17 ha de céréales associées à des légumineuses. « Je cultive depuis près de quinze ans un mélange de plusieurs céréales avec du pois, qui constitue la ration complémentaire pour les vaches. Le taux de protéines de la ration est resté assez stable d'une année sur l'autre (environ 30 %) et l'association m'apporte une sécurité face aux aléas climatiques ou biologiques : si une des cultures est impactée, les autres compenseront », explique Frank.

Depuis trois ans, les Dalifard se sont convertis à l'agriculture biologique (AB). « Notre système s'y prêtait et j'avais déjà une utilisation limitée des pesticides étant donné la présence de cours d'eau sur l'exploitation », indique Frank. Bien connue des éleveurs, l'association graminées-légumineuses présente des avantages agronomiques qui pourraient trouver leur place dans les systèmes céréaliers, pour une valorisation séparée des productions.

MEILLEURS RÉSULTATS EN AGRICULTURE BIOLOGIQUE

C'est le cas en AB car les cultures associées valorisent mieux les ressources du milieu par rapport aux cultures pures dans des situations de bas intrants (lire l'encadré). Ainsi, depuis deux ans, Frank produit 4 ha de féverole et triticale associés, qu'il vend en mélange à la coopérative Terrena. Le rendement moyen de l'association est de 55 q/ha. « Je gagne 4 à 5 q/ha par rapport aux cultures pures », estime-t-il. Autre avantage, la culture est plus propre étant donné la bonne compétitivité du mélange par rapport aux adventices et sa structure spatiale dense et élevée.

Frank sème les deux espèces en même temps en combiné, à 150 kg/ha pour le triticale et 50 kg/ha pour la féverole. « L'idéal serait de semer la féverole à la volée avant d'effectuer un labour superficiel, afin de l'enterrer plus profond et de la protéger contre le gel, explique-t-il. Mais ceci n'est pas possible avec une charrue classique, et la Cuma à laquelle j'adhère n'a pas de charrue déchaumeuse. » Le semis est réalisé entre le 10 et le 25 novembre, avec un écartement de 11 cm. Un écartement plus serré concurrencerait davantage les adventices et éviterait un passage de herse étrille mais il ne possède pas le matériel nécessaire. La récolte est déclenchée en fonction de la maturité de la féverole, qui arrive plus tardivement que la céréale. Celle-ci peut cependant attendre huit à dix jours sans perte de grains. La moissonneuse est réglée sur une vitesse plus lente que pour la céréale pure, afin de casser moins de graines de protéagineux.

Au vu des bons résultats observés avec ce mélange, Frank a décidé cette année d'associer à du triticale les sept hectares de féverole cultivée habituellement en pur et destinée à l'alimentation des vaches. Les proportions sont inverses du mélange mentionné précédemment : 150 kg/ha de féverole et 50 kg/ha de triticale. Pour le reste, la conduite de culture est identique. La féverole est habituellement transformée par l'entreprise Valorex mais celle-ci ne propose pas de trier les mélanges. « J'ai discuté avec le responsable de la Cuma sur la possibilité d'acquérir un trieur car, sur la cinquantaine d'adhérents, au moins vingt éleveurs seraient intéressés pour trier leurs protéagineux. Et nous pourrions également l'utiliser pour produire nos semences ». Ce trieur serait le bienvenu cette année car la coopérative Terrena ne propose pas de récupérer uniquement le triticale après avoir trié le mélange...

LE MAYA POUR AMÉLIORER LA TENEUR EN PROTÉINES

Et puisqu'il s'est lancé dans les associations, Franck ne compte pas en rester là : il teste cette année le mélange maïs-soja, aussi appelé maya, qui a pour but d'améliorer la teneur en protéines de l'ensilage. Le mélange est semé au monograine avec un écartement de 60 cm, à une densité de 100 000 grains/ha pour le maïs et 200 000 grains/ha pour le soja. Des essais menés par la chambre d'agriculture des Pays de la Loire ont montré que le maya était d'autant plus intéressant économiquement que les rendements en maïs pur étaient faibles (inférieurs à 15 tonnes de matière sèche par hectare). Dans le cas de Frank, dont les rendements en maïs tournent autour de 8 à 10 t MS/ha, le maya permettrait une augmentation du rendement et un gain en PDIN.

Si les associations trouvent toute leur place dans les systèmes bio, elles ne rencontrent pas le même enthousiasme en conventionnel. « Certains de mes voisins seraient intéressés par la technique mais sont dans l'impasse pour le désherbage, étant donné le choix très limité de produits autorisés à la fois pour les céréales et les protéagineux. »

Bien que cette technique limite les intrants en valorisant mieux les ressources, elle ne reçoit pas de soutien spécifique au niveau des mesures agro-environnementales de la Pac. Le statut des cultures associées n'est d'ailleurs pas défini : l'agriculteur doit déclarer soit une céréale, soit un protéagineux (et dans ce cas bénéficier de l'aide couplée), selon l'espèce prédominante au semis.