Semer, avec le colza, des légumineuses qui gèlent en sortie d'hiver et libèrent leur stock d'azote lors de la reprise : c'est le choix qu'ont fait Pascal et Arnaud Amary sur 20 ha de colza (sur un total de 80 ha). Non seulement ces plantes compagnes diminuent les besoins en azote mais elles améliorent la fertilité et la structure du sol et réduisent les apports herbicides deux années sur cinq, voire les apports insecticides d'automne.

Pascal et son neveu Arnaud, installés à la ferme de La Beauce, à Villedieu-sur-Indre, sèment simultanément le colza et les légumineuses le 20 août en un passage, quand les autres colzas seuls sont semés huit jours plus tard. Ils n'utilisent qu'une trémie car les semences de légumineuses avec lesquelles ils travaillent sont de même calibre que celles du colza et ne risquent pas trop de se stratifier dans la cuve, c'est-à-dire de former des couches de graines par espèce. Le mélange de Jouffray-Drillaud est constitué de petites graines de vesce commune (48 %), vesce pourpre (32 %) et trèfle d'Alexandrie (20 %). Ce choix est fait « par simplicité » d'approvisionnement et d'utilisation mais d'autres mélanges existent (voir le tableau). « On mélange les semences de colza et de légumineuses dans la bétonnière puis on met de quoi semer 4 ha dans un semoir Sprinter Horsch qui pourrait en contenir beaucoup plus, explique Pascal Amary. Mais on ne prend pas de risque et ainsi les graines ne se trient pas. »

Auparavant, le sol est préparé avec un discodent (voir photo). Si cet outil est gourmand en puissance, il leur permet de bien travailler la terre.

RÉDUIRE L'AZOTE DE 40 UNITÉS

Pour des rendements équivalents, Pascal et Arnaud réduisent chaque année de 20 à 40 unités les apports en azote sur les parcelles avec légumineuses, quelles que soient les conditions climatiques annuelles. C'est l'état des cultures accompagnantes qui détermine la réduction d'azote.

Lors de certaines campagnes, comme en 2011-2012, les agriculteurs ont fait l'impasse en herbicide et en insecticide tandis que, d'autres années, les apports ont été plus faibles. Lors de cette campagne difficile sur le front des herbicides, les Amary ont apporté seulement 1 l de Novall et 0,8 l de Springbok. Mais le gel, qui devait détruire les légumineuses en sortie d'hiver, n'a pas suffi : deux passages de Callisto, destinés à détruire les chardons marie, ont fini d'éliminer les plantes compagnes.

Pascal et Arnaud trouvent aussi un intérêt par rapport à la structure du sol : elle est bien meilleure grâce aux plantes compagnes qui fissurent le sol et l'aèrent. « C'est une assurance de rendements sur le moyen terme car l'enracinement des colzas, et probablement des plantes suivantes, est amélioré. » L'eau consommée par les cultures compagnes est largement compensée par la qualité de drainage permise par ces mêmes plantes.

A la ferme de La Beauce, les économies compensent les dépenses liées au coût des semences (30 à 40 €/ha) : d'après Gilles Sauzet, ingénieur du Cetiom qui travaille avec Pascal et Arnaud Amary, il ne s'agit pas aujourd'hui en Champagne berrichonne d'augmenter les marges en priorité, mais surtout d'éviter que, demain, les rendements diminuent (lire l'encadré). Mais « si les surfaces en légumineuses augmentaient dans le cadre de production de semences, de cultures associées ou de diversification des rotations, le prix des semences pourrait peut-être baisser », ajoute l'ingénieur.

Cette technique semble efficace mais il faut être attentif aux parcelles choisies afin d'exploiter de manière optimale les plantes associées. Pascal et Arnaud Amary cherchent celles qui présentent une homogénéité en termes de type de sol. En effet, dans la région, les sols sont très irréguliers et parfois très pauvres en matière organique. Pascal Amary estime que « les sols argilo-calcaires sont probablement les plus intéressants, alors qu'en sols limoneux, il faut veiller à ce que les plantes compagnes ne prennent pas le dessus ». En sol sableux, les associations « ne peuvent être qu'intéressantes » en termes de structure du sol et d'apports azotés. Les irrégularités intraparcellaires ne permettent pas de profiter au maximum des associations car la stratégie et les techniques ne peuvent être spécifiques à chacun des types de sols. De la même manière, certaines conditions climatiques ne permettent pas cette « exploitation optimale » (lire l'encadré ci-dessus). Ces plantes constituent un levier dans une stratégie pour améliorer la productivité, un outil dans un processus agronomique. Pour les Amary, il s'agit d'une démarche qui permet, au minimum, de ne pas augmenter les quantités d'intrants dans des régions difficiles à cultiver. « Le conseil doit évoluer et les agriculteurs doivent se regrouper et échanger », ajoute Pascal Amary, qui fait partie d'un Ceta. Et les leviers sont nombreux : passer du temps dans les parcelles, renforcer le désherbage mécanique, allonger les rotations ou... cultiver des plantes compagnes.