L'arrêt du labour, le passage au semis direct et l'introduction de couverts végétaux permanents engendrent une modification de la structure du sol et de ses propriétés de minéralisation. Cela provoque aussi l'arrivée d'une vie biologique du sol beaucoup plus intense et une modification de la flore adventice. La gestion de la fertilisation, des ravageurs et des adventices nécessite donc d'être adaptée.

Multiplier les solutions contre les adventices

La gestion des adventices est une préoccupation majeure pour les agriculteurs en semis direct sous couvert (SCV) et pour ceux qui hésitent à se lancer. Pourtant, les expériences montrent que la pression en adventices n'est pas forcément plus forte en SCV qu'en labour. En Lorraine, par exemple, un essai de six ans mis en place par la chambre d'agriculture a permis de constater une pression globalement plus faible en SCV qu'en présence de travail superficiel du sol qui favorise la germination des graines. La présence de résidus en surface limite également la levée des adventices. On peut en revanche observer une modification de la flore en fonction du type de travail du sol. Ainsi, le labour aura surtout un impact sur les graines ayant une faible durée de vie, comme les graminées annuelles (vulpin, ray-grass, brome stérile...) et quelques dicotylédones (gaillet, matricaire...). Après enfouissement dans le sol, ces adventices auront une probabilité de survie assez faible. En revanche, le labour aura peu d'impact sur les graines ayant une résistance plus élevée à l'enfouissement, comme de nombreuses dicotylédones (matricaires, renouées...) pouvant survivre dans le sol plus de dix ans. Globalement, on observera donc plus de graminées en système sans labour. Les systèmes en semis direct peuvent aussi voir apparaître des espèces pluriannuelles (rumex...) et des vivaces (liserons...), moins sensibles au glyphosate, qui nécessitent l'utilisation d'herbicides spécifiques. En semis direct, la présence abondante de résidus végétaux en surface pénalise l'action des herbicides à pénétration racinaire et incite à privilégier les herbicides de post-levée à action foliaire. Ces derniers peuvent cependant être à l'origine de l'apparition de graminées résistantes et doivent donc être utilisés avec parcimonie.

Le glyphosate reste un outil souvent incontournable, à la fois pour la maîtrise des adventices au semis que pour la destruction des couverts. Une enquête réalisée en 2010 dans le cadre du CasDar Rédusol (1) pointe d'ailleurs un recours plus fréquent à cet herbicide en semis direct que dans les autres systèmes. Bien que performant, il montre cependant des limites (lire encadré). Plusieurs leviers peuvent être utilisés pour en diminuer l'usage : outre la diversification des cultures et la modification des rotations, les couverts sont un outil important pour la gestion des adventices, d'autant plus s'ils sont implantés tôt avec une densité suffisante. Le choix d'espèces gélives (moutarde, phacélie, sarrasin...) permet de limiter, voire de se passer de glyphosate. Le roulage, en amplifiant les dégâts de gel, est un moyen de destruction efficace, qui peut être utilisé seul ou combiné à une dose réduite de glyphosate.

Vigilance avec les limaces

En système de semis direct, la présence de résidus de culture et l'environnement humide ont tendance à favoriser les populations de limaces. Pour autant, selon les résultats du CasDar Rédusol, l'application d'antilimaces n'est pas forcément supérieure en situations de travail du sol réduit. L'augmentation de la densité de semis constitue un levier pour compenser les pertes. Les agriculteurs vont aussi et surtout miser sur une régulation naturelle des populations grâce au développement de la faune prédatrice (carabes, staphylins...). Les couverts peuvent aussi contribuer à la gestion de ces ravageurs. Globalement, ils contribuent à assécher le profil du sol en interculture, et donc à créer un environnement moins favorable aux limaces, tout en maintenant une source alimentaire pour la faune prédatrice. Il est aussi possible de choisir des couverts ayant un effet répulsif sur les limaces, comme la moutarde blanche, le radis fourrager ou le trèfle d'Alexandrie.

Adapter la fertilisation azotée

Le travail du sol permet d'oxygéner le profil et de mettre les résidus au contact du sol, accélérant ainsi la minéralisation. En passant au semis direct, la minéralisation de la matière organique sera donc fortement réduite. Cet impact sera d'autant plus fort que la fertilité du sol au départ est faible et que le système de culture est très simplifié. C'est la dynamique de l'azote qui se trouve particulièrement impactée par ce changement de pratiques.

Dans un premier temps, l'azote va être en effet stocké sous forme organique et absorbé par les couverts. Si cet effet permet de limiter le lessivage de l'azote minéral, il réduit aussi l'azote disponible pour la culture, ce qui demande une gestion particulière de la fertilisation. En Suisse, un essai de longue durée compare des parcelles en labour et en semis direct depuis 1994. Les résultats font apparaître qu'il est nécessaire d'apporter un supplément de fertilisation azotée de 10 à 20 % les premières années pour ne pas pénaliser le rendement. La fertilisation localisée au semis peut paraître appropriée afin d'augmenter le niveau de fertilité autour de la jeune graine, qui sera souvent inférieur à une situation où le sol est travaillé. C'est également un moyen pour la plante de mieux compenser les éventuelles attaques de limaces et de concurrencer les adventices.

Selon la situation (rotation, type de sol...), la période de transition peut varier de cinq à dix ans avant d'atteindre un équilibre entre les entrées et les sorties du stock minéral. Contrairement à un système en labour avec introduction ponctuelle d'azote, la minéralisation se fait de manière plus continue et dure plus longtemps en systèmes de semis direct sous couvert. Les autres éléments, comme le phosphore et le potassium, ont tendance à se concentrer dans les premiers centimètres du sol. Les jeunes plantes se retrouvent donc directement dans un milieu enrichi en ces éléments, et il n'est pas nécessaire de surfertiliser.

(1) CasDar piloté par le Cétiom en 2009-2011 : tester la faisabilité et la durabilité des systèmes de cultures en réduisant le travail du sol.