Dans le Tarn, tout agriculteur qui s'installe en société doit suivre une formation aux relations humaines. C'est donc le cas des nouveaux Gaec entre époux autorisés depuis 2011. Virginie Rousselin est formatrice en relations humaines et animatrice à l'Atag, Association tarnaise pour l'agriculture de groupe. « Former une société n'est jamais banal. Cela ne va pas de soi de travailler ensemble. Y compris en couple. Les conseillers ne sont pas toujours à l'aise dans cette configuration. Mais il n'est pas question de regarder par le trou de la serrure. Les échanges concernent la vie professionnelle, prévient-elle. Auprès des couples d'exploitants, nous insistons sur le statut matrimonial choisi, sur le partage du résultat. Nous faisons témoigner des couples déjà installés. Certains ont séparé vie professionnelle et vie familiale. Ils scindent le temps et l'espace : pas de discussion sur la ferme lors des repas, pas question que les papiers du Gaec traînent sur la table de la cuisine, les stagiaires ne partagent pas systématiquement les repas familiaux. D'autres font tout l'inverse : ils se sont installés pour partager le plus possible métier et vie de famille. Il faut juste que la réflexion ait lieu pour ouvrir le champ des possibles. Il y a le projet de l'exploitation mais aussi celui de chaque individu. Et un couple, ce sont deux individus. »
DIRE LES CHOSES
Virginie Rousselin conseille de discuter en couple en cas de recherche d'associés, même si l'épouse n'est pas présente sur l'entreprise : « L'arrivée d'une nouvelle personne remet en cause la place de chacun sur l'exploitation mais aussi dans l'entourage. Les décisions et les choix de l'entreprise influent sur la vie du couple. Donc mieux vaut en parler. Lors d'une réunion préalable organisée avec son époux, une de nos adhérents a réalisé qu'elle souhaitait participer davantage à l'activité de l'exploitation. Au lieu d'un associé, ils ont recruté une aide à domicile. » Les statistiques démontrent l'implication des conjointes dans les exploitations (voir le tableau ci-dessus). On dit souvent qu'elles s'intéressent de moins en moins à l'agriculture, or la moitié d'entre elles (148 000) participent aux travaux. Il se dit aussi que celles qui restent prennent un statut. Pourtant 76 000 n'ont pas opté pour un des trois statuts possibles. Il est vrai que les trois quarts de ces « sans-statut agricole » consacrent moins de la moitié de leur temps à l'exploitation. Sans doute leur autre activité professionnelle leur fournit-elle ce sésame ? Il reste 12 000 femmes sans statut, qui travaillent plus qu'un mi-temps avec leur conjoint.
TROUVER SA JUSTE PLACE
Virginie Rousselin, agréée auprès de Gaec et société, intervient auprès de groupes. Elle est formelle : « Quelles que soient les conditions, lorsqu'un couple travaille sur l'exploitation, le statut social doit être explicité et en harmonie avec la véritable place de chacun. Y a-t-il reconnaissance des apports de chaque conjoint ? Qui possède quoi ? Qui fait quoi ? Qui gagne quoi ? Chacun doit trouver sa juste place, reconnue et rémunérée. En formation, j'entends trop souvent les concubins, les conjoints collaborateurs se plaindre de « n'être rien ». Et, juridiquement, on ne peut pas toujours leur donner tort. » Selon la conseillère, les jeunes couples en particulier, pris par leurs projets, ne se posent pas ces questions capitales pour leur avenir. Par méconnaissance, insouciance, parfois par négligence. « Cela se paye cher s'il y a séparation du couple ou fin de l'exploitation. »
Elle rencontre aussi des couples qui la sollicitent lorsque les enfants quittent la maison familiale ou qu'un conjoint désire revenir travailler sur l'exploitation. « Nous prévoyons toujours une rencontre individuelle qui les déroute parfois. Ils nous disent « ma femme et moi, c'est pareil ». Je retrace d'abord le chemin parcouru. Ce qui compte, c'est la contribution de chacun, les zones de satisfaction et d'insatisfaction. Nous travaillons sur leurs envies, la cohésion de leur projet commun, avec leur projet individuel, l'autonomie qu'ils s'accordent, la reconnaissance à travers les statuts social, matrimonial, la place que chacun occupe et celle qu'il voudrait occuper. Nous les aidons à identifier les sources de conflit avec ces entretiens collectifs et individuels. » Avec une limite : lorsque les conseillers détectent un problème essentiellement conjugal, ils les réorientent vers d'autres consultants.