Un distributeur automatique est installé sur un espace privé à proximité d'une boulangerie.
Chaîne du froid. Une fois les poches en plastique de un litre remplies de lait cru, Jérôme Barange les dépose dans des glacières pour le transport. La température est contrôlée au départ et à l'arrivée.
L'EXPLOITATION |
A Duerne (Rhône) • Surface : 44 ha, dont 1.000 m² de fraises et 2.000 m² de framboises• Cheptel : 40 laitières (60 % de prim'holsteins, 40 % de montbéliardes)• Main-d'oeuvre : 2 UTH• Production : 270.000 litres |
C'est en pleine crise du lait que Jérôme Barange, éleveur à Duerne, dans le Rhône, s'est lancé dans le projet de vendre des berlingots de lait cru dans des distributeurs automatiques installés à Lyon.
« En 2009, le prix du lait avait chuté à 216 €/1.000 l, se souvient le jeune agriculteur, en Gaec avec sa mère, Bernadette. Il aurait fallu que je le vende à 320 €/1.000 l pour compenser les charges de production, sans même prendre en compte la rémunération ! Lorsque l'association d'aide au développement Arcencielfrance a lancé l'idée de commercialiser du lait cru, j'ai été séduit. »
Pendant deux ans, Jérôme, trois autres producteurs des monts du Lyonnais, l'association Arcencielfrance et l'association départementale pour le développement de l'emploi agricole et rural du Rhône réfléchissent au moyen de proposer un lait de qualité sans multiplier les frais. Ils se regroupent au sein de l'association La Laiterie des Monts.
Les quatre éleveurs rédigent une charte qui prévoit une alimentation du troupeau sans OGM avec moins de 50 % de maïs ensilage et une pâture obligatoire durant quatre mois minimum. Ils fixent un prix rémunérateur à la sortie du tank à 50 centimes le litre. La principale difficulté a été de trouver un emplacement pour les distributeurs. Il est interdit de les installer sur la voie publique.
Démarcher des boulangers
A la fin de 2011, ils commencent à vendre leurs berlingots dans une association de quartier de Lyon, faute de solution. « Nous avons découvert cette occasion que les populations originaires du Maghreb et du Moyen-Orient recherchent du lait cru pour préparer du leben – du lait caillé –, notamment lors du ramadan », explique Jérôme.
Mais la vente via des associations de quartier n'est pas suffisante, elle est limitée à des horaires fixes et exige la présence d'un vendeur. « L'idée est venue de lier l'acte d'achat du pain à celui du lait cru. Nous avons alors démarché des boulangers », poursuit l'éleveur.
Julien Thévenon et Cédric Colonna, deux jeunes boulangers de Villeurbanne, acceptent en mars 2012 qu'un distributeur d'une capacité de 120 l soit installé à côté de leur devanture, sur un espace qui leur appartient. Ils bénéfi cient en contrepartie de lait cru à un tarif préférentiel pour leurs pâtisseries.
A la fin de 2012, un second distributeur d'une capacité de 140 l est installé devant une boulangerie de Lyon. Un troisième devrait être inauguré en mars. Jérôme connaît la principale limite de la vente directe : le temps de travail supplémentaire.
En effet, en plus du lait, il commercialise toutes ses fraises et 10 % des framboises qu'il produit via deux associations qui livrent des paniers à Lyon. Ce débouché nécessite sa présence une fois par mois lors de la vente.
Impossible pour lui d'approvisionner trois fois par semaine les distributeurs de lait à Lyon. C'est l'association Arcencielfrance qui se charge du transport. « Le lait est conditionné dans une poche en plastique qui nous coûte 5 centimes d'euro, précise Jérôme.
La Laiterie des Monts a investi dans une ensacheuse-soudeuse d'occasion pour 1.000 €, qui tourne entre les quatre producteurs tous les quinze jours. L'objectif est que chacun vende le même volume. »
Invendus utilisés
Jusqu'à 350 litres sont commercialisés par semaine. Les invendus sont utilisés par les boulangers ou retournés aux producteurs pour l'alimentation des veaux. L'objectif est d'atteindre 700 l par semaine en installant quatre autres distributeurs avant la fin de l'année.
« En dix mois, avec un seul distributeur et les boulangers, j'ai vendu 4.000 litres de lait cru en direct, estime Jérôme. Malgré un prix au litre rémunérateur, l'activité ne pèse pas sur mon chiffre d'affaires. J'espère atteindre 10 % des volumes de lait produits. Après le départ de ma mère, j'aimerais arrêter la production de petits fruits rouges pour me consacrer uniquement à mon atelier laitier, quitte à consacrer davantage de temps à la vente directe. »
Une nouvelle réglementation sanitaire
Avant de se lancer dans la vente de lait cru en 2011, Jérôme a obtenu une patente sanitaire. La réglementation a évolué en janvier 2013. Les producteurs font désormais une demande d'autorisation auprès de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations.
En plus des contrôles de qualité du lait de la laiterie, Jérôme doit réaliser deux fois par an des analyses pour détecter la présence de salmonelles, listeria et Escherichia coli. De nouvelles mentions sur l'emballage sont obligatoires, comme le nom des producteurs et des précautions d'utilisation.
Jérôme ne peut mélanger que le lait des deux dernières traites. Il doit respecter une date limite de consommation de trois jours.
LES RÉSULTATS
• Répartition des ventes
• Vente de lait cru en direct (associations ou distributeurs)
- Prix payé au producteur : 0,50 €/l- Prix du lait invendu : 0,38 €/l- Charges : entre 40 et 60 centimes (selon le mode de vente)- Prix de vente au consommateur : 0,90 €/l dans les associations de quartier- 1,20 € par litre et 2 € pour 2 litres dans les distributeurs
• Prix du lait vendu à la coopérative (toutes primes comprises)