Il y a des métiers qui se méritent ! Pour ceux, non issus du milieu, qui se découvrent une vocation agricole, l'obtention d'un diplôme délivrant la capacité professionnelle n'est souvent que la première étape d'un parcours du combattant.

D'abord, l'accès au foncier est parfois verrouillé. Autant dans les régions où la pression foncière est forte qu'en zone de déprise. « Beaucoup de cédants préfèrent laisser leurs terres à l'agrandissement, parce qu'ils pensent que leur exploitation est trop petite pour être viable », explique Nicolas Delorme, du Réseau installation-foncier du Livradois Forez (Puy-de-Dôme), créé en 2005 par sept communautés de communes pour tenter de ralentir l'érosion du nombre d'agriculteurs. « On essaie de faire comprendre aux cédants que les jeunes qui arrivent avec des projets innovants, par exemple avec de la transformation ou de la vente directe, peuvent mettre en place des activités rentables sur ces petites surfaces. » Certains élus locaux, sensibilisés au problème, achètent des terres agricoles pour installer ou conforter des jeunes agriculteurs. Qui doivent ensuite vivre de leur production. Pas toujours évident quand on est novice.

EXPLIQUER SES ERREURS

Une installation progressive est permise par le stage de parrainage chez le cédant. Pendant trois à douze mois, le candidat « hors cadre familial » réalise un stage sur l'exploitation qu'il s'apprête à reprendre. Le temps de bénéficier de l'expérience du cédant et de se familiariser avec l'exploitation. Durant cette période, il peut percevoir une indemnité et bénéficier d'un suivi par la chambre d'agriculture. De son côté, le cédant tourne la page en douceur.

Là où ce passage de témoin est impossible, « il est important d'avoir quelqu'un pour nous appuyer techniquement quand on a des problèmes », juge Frédéric Cottave, dans l'Isère, passé de la domotique au maraîchage bio il y a huit ans. « Non issu du milieu agricole, je me suis installé en partant de zéro. Après mon stage de pré-installation, rester en contact avec mes maîtres de stage m'a aidé à avancer. Aujourd'hui, c'est à mon tour de tendre la main à des jeunes qui, j'espère, prendront le relais. » Son appui ne se limite pas à la technique : « Une exploitation agricole, c'est 60 % de gestion et 40 % de technique. Un mauvais gestionnaire, même s'il est bon techniquement, s'en sortira moins bien que l'inverse », juge celui qui n'hésite pas à étaler ses comptes devant les jeunes qu'il accompagne. « J'ai connu à un moment donné des difficultés, je sais les expliquer et je veux que mes erreurs servent à d'autres. »

Deux jeunes que Frédéric Cottave a « tutorés », Jacques-André Chassot et Cédric Morel, se sont installés l'an dernier en maraîchage bio sur 4,5 ha. Ils ont dû faire face à des difficultés classiques : problèmes techniques, stratégies de commercialisation, intégration socio-professionnelle... Pour bénéficier d'un accompagnement au jour le jour tout en démarrant leur activité, ils ont remplacé le stage de pré-installation par une formule de tutorat. Le tout a été formalisé par un engagement du tuteur et des deux jeunes sur papier, avec une série d'actions prédéfinies sur un an (réalisation du planning de production, montage de serres, suivi de parcelles), afin de valider leur dossier et d'ouvrir droit aux aides. L'année écoulée, ils ont gardé le contact avec leur tuteur. « Il met à notre disposition son expérience, résume Jacques-André. Dès qu'on a un problème sur une culture, on l'appelle. »

Des systèmes de tutorat ou parrainage ont été testés dans différentes régions et sous différentes formes. Ils vont du simple entretien à bâtons rompus entre un jeune en formation et un agriculteur en activité, jusqu'au tutorat sur la durée encadré par une charte. Plusieurs structures (chambres d'agriculture, syndicats, associations, etc.) ont lancé des initiatives en ce sens. Certaines tiennent la route, d'autres se sont essoufflées. Pour Béatrice Chenet, de la chambre d'agriculture de l'Isère, « la demande n'est pas toujours formalisée, mais les jeunes sont partants si on le leur propose. Il y a des écueils à éviter aux candidats qui sont novices. »

Une autre manière d'assurer ses premiers pas dans le métier consiste à démarrer son activité agricole dans un « espace test ». Ces structures innovantes, rassemblées au sein de Reneta (Réseau national des espaces tests agricoles), commencent à essaimer en France. L'idée est de permettre aux candidats à l'installation de profiter de l'hébergement juridique d'une structure porteuse et de ses moyens de production pour démarrer leur activité.

S'ESSAYER AU MÉTIER

Ils testent le métier sans créer leur propre entreprise ni investir de capitaux. « C'est une marche intermédiaire entre la formation et l'installation », résume Pierre Ulrich, animateur d'une pépinière d'installation agricole à Eurre, dans la Drôme. L'association « Les Compagnons de la terre » (1), créée à l'initiative du CFPPA, avec des financements européens et régionaux, y a ouvert un site de 9 hectares pour accueillir des candidats à l'installation. Sur six personnes accueillies en test, la moitié s'est installée en agriculture. « C'est le but du test : si l'on n'est pas fait pour le métier, il vaut mieux s'en rendre compte ici », insiste l'animateur. Reste que certains voient leur vocation confirmée mais n'ont pas résolu leur problème à la sortie : trouver du foncier.

Autre handicap : « Les candidats s'investissent beaucoup sur le site en travaillant leurs parcelles, en établissant des relations, mais ils ne s'installeront pas sur place, souligne Pierre Ulrich. Ceux qui trouveront des terres pas loin garderont au moins leur réseau de contacts mais les autres devront tout recréer. » D'où l'idée de mettre en place des tests chez les agriculteurs qui cèdent leur exploitation ou se séparent de quelques hectares. La pépinière accompagnera à distance les porteurs de projet qui, en fin de test, s'installeront là où ils ont commencé à s'investir. Les premiers candidats se sont manifestés et le projet devrait démarrer d'ici à six mois.

(1) www.lescompagonsdelaterre.fr