Consommer de l'herbe de qualité sans en perdre un brin, c'est le principe du pâturage tournant. En Haute-Vienne la méthode trouve chaque année de nouveaux adeptes. « C'est une technique simple à mettre en place, assure Danièle Barataud, de la chambre d'agriculture. Et tous ceux qui l'ont adoptée ne reviennent jamais en arrière. » Sa réussite repose sur l'anticipation. Les réflexions pour sa mise en place au printemps débutent dès janvier. « Le but est d'élaborer un prévisionnel de pâturage, explique Danièle. Il s'agit de définir la surface de base destinée au pâturage et la surface complémentaire réservée aux stocks pour l'hiver. » Tout cela s'effectue précisément avec une calculette et les plans de son parcellaire. Pour consommer l'herbe le plus efficacement possible, chacun cherche à obtenir un chargement élevé au printemps. L'objectif : que toute l'herbe soit consommée sans surpâturage et sans refus. Un équilibre à atteindre qui tient compte du potentiel de ses parcelles. « Sur notre zone, le chargement moyen envisageable oscille entre 40 et 55 ares/UGB sur la surface de base, explique Danièle. Exceptionnellement, dans les terres les plus riches et les mieux fertilisées, on peut descendre à 30 ares/UGB. Sur les plus mauvaises, il faudra prévoir au moins 70 ares/UGB. »
Par exemple, pour un lot de 25 vaches d'un poids moyen de 750 kg avec un veau de 180 kg. Selon la grille Arvalis détaillée dans le « Guide du pâturage » (1), ce lot représente 28 UGB, soit 20,75 pour les vaches (0,83 x 25) et 7,25 pour les veaux (0,29 x 25). Le potentiel des prairies sur lesquelles est affecté le lot est moyen, de l'ordre de 45 ares/UGB. La surface nécessaire pour le printemps sera donc de 12,60 ha (45 ares x 28 UGB).
ADAPTABLE PARTOUT
« Il revient ensuite à chacun de rechercher sur son plan un îlot de parcelles correspondant, indique Danièle. L'idéal est que l'espace soit découpé en au moins cinq parcelles. Ainsi, les animaux restent quatre à cinq jours sur un paddock et reviennent sur le premier au bout de trois semaines en moyenne. » Un délai parfait pour une repousse de qualité, en raison d'un temps de repos suffisamment long.
Reste à vérifier les points d'abreuvement de chaque paddock. Cette contrainte complique parfois le travail. Mais il existe des parades, comme l'installation d'un réseau. « Le pâturage tournant est adaptable à toutes les exploitations, insiste Danièle. Cela quel que soit leur parcellaire. Morcelé ou dispersé, ce n'est pas un problème. » Les solutions sont infinies. Pour s'adapter à la taille de ses lots, certains choisissent de redécouper leur parcellaire, d'autres d'augmenter la taille de leurs lots (voir ci-contre). »
AJUSTEMENTS
« Rien ne sert de vouloir transformer toute son exploitation dès le départ, souligne Danièle. Certains adoptent la technique sur un lot la première année et la généralisent petit à petit au cours des suivantes. Après les calculs de l'hiver, vient le temps des ajustements, car tout dépend des conditions météo. Et en premier lieu la mise à l'herbe. « Nous utilisons le repère des sommes de températures pour déterminer le bon moment, indique Danièle. Ces données nous sont transmises par Météo France. Les animaux sont lâchés lorsque les températures atteignent 350 °C. A 550 °C, c'est l'alerte pour la fin du déprimage (1).
« Plus on réduit la période d'hivernage, moins les besoins en stocks sont importants, ajoute la technicienne. D'où l'intérêt de lâcher les animaux dès que les sols sont suffisamment portants. Nous utilisons fin avril la méthode Herbo-Lis pour calculer le nombre de jours de pâturage d'avance. » Il s'agit de prendre en compte les besoins des animaux et l'herbe disponible mesurée avec l'herbomètre. Ainsi au-delà de 15 jours d'avance, le paddock avec le plus d'herbe sur pied est retiré du pâturage pour être fauché. Si la sécheresse apparaît pendant l'été, ces stocks seront précieux.
Mais rien ne se passe jamais vraiment comme prévu. « Il convient donc de dresser un premier bilan pendant l'été », indique Danièle. Cela permet de vérifier si les stocks sont à la hauteur des besoins. Il ne sera pas trop tard pour décider de recourir à l'implantation d'une dérobée par exemple. Une autre analyse critique plus complète aura lieu à l'automne. « C'est souvent le moment de constater que l'on a gagné en autonomie ! »
(1) Ces repères sont disponibles sur le site www. herbe-fourrages-limousin.fr où le « Guide du pâturage » élaboré par le Programme structurel herbe et fourrages en Limousin est disponible.