Quand on pense « robot de traite », la première chose qui vient à l'esprit est le gain de temps. « En régime de croisière, il est en moyenne de 2 minutes par vache par jour, soit presque deux heures pour un troupeau de 50 vaches », confirme Anthony Baslé, consultant robot chez Eilyps (ex-contrôle laitier d'Ille-et-Vilaine). Cependant, ce gain est à relativiser car il dépend en grande partie de la situation initiale.

EMPLOI DU TEMPS MODIFIÉ

Le message des constructeurs a évolué au fil du temps. Ils mettent désormais en avant la nature des tâches effectuées et non la réduction du temps d'astreinte. L'emploi du temps est bouleversé : « 45 à 50 % du temps est consacré aux interventions sur les animaux, 10 à 15 % à l'alimentation, 15 % au suivi du robot et le reste au nettoyage des logettes et à l'entretien du robot », détaille Anthony Baslé.

La journée débute avec l'ordinateur. Les éleveurs consultent les indications : production de lait/vache, échecs de traite, refus, vaches à surveiller, etc. En moins de 10 minutes, l'exploitant a une idée globale de son troupeau. Il peut ensuite s'occuper des vaches signalées « à problème ».

Il commence par aller chercher celles en retard de traite, dont le temps entre deux passages dans le robot est élevé. Ce temps peut être très variable selon l'élevage. Il se module selon le stade de lactation et le niveau de production. Le curseur diffère aussi selon la sensibilité : il peut s'établir à 14 ou 15 heures chez certains et aller jusqu'à 18 ou 19 heures chez d'autres. «

Dans les systèmes avec circulation encadrée, on accepte plus facilement les retards qu'en liberté totale, indique Anthony Baslé. Certains gardent l'habitude de pousser les vaches à heures fixes, comme en salle de traite. Cette pratique pose problème car elles n'apprennent pas à aller seules dans le robot. Les éleveurs doivent aussi savoir distinguer les retards de traite réels des vaches en fin de lactation. »

Le deuxième temps de la matinée se déroule dans la stabulation, en nettoyant les logettes, ce qui permet de lever les vaches et de créer une circulation dans le bâtiment. C'est aussi un moment propice pour observer les animaux. Ensuite, vient l'alimentation et les soins aux animaux, et enfin le nettoyage du robot.

En début d'après-midi, les éleveurs retournent faire un tour dans la stabulation. Ils visionnement rapidement les indicateurs et nettoient de nouveau les logettes. Ils renouvellent cette opération en fin de journée. « La fréquence de nettoyage est primordiale pour la qualité du lait en robot. Ce point est bien intégré par les éleveurs », constate Anthony Baslé.

Un mot d'ordre : anticiper. Visualiser les indicateurs plusieurs fois par jour fait partie des nouvelles tâches induites par le passage en robot. Des alertes mettent en évidence les vaches avec de potentiels problèmes de santé (mammites, boiteries...). L'éleveur peut aller les chercher ou actionner un triage automatique après la traite suivante. « Le mot d'ordre, c'est l'anticipation », insiste Anthony Baslé. Car si le robot peut faire gagner du temps, il peut aussi en faire perdre beaucoup. Le temps consacré au troupeau peut aller de deux heures à toute la journée...

Isoler un animal pour une intervention reste le point noir du système. Des triages automatiques peuvent être programmés, par exemple selon la qualité du lait ou la détection des chaleurs. Mais si le tri n'a pas été anticipé, il faut aller chercher l'animal dans la stabulation pour le pousser vers le box d'isolement. Afin de réduire les manipulations, GEA Farm Technologies (ex-Westfalia) propose de diviser le troupeau en différents lots : vaches en début de lactation, à tarir, à inséminer, chacune étant orientée vers un parc différent en sortie du robot.

Les indicateurs sont à surveiller au quotidien pour éviter les dérapages. « L'éleveur doit observer ses vaches et agir vite : 80 % du temps est consacré aux 20 % d'animaux à problème, estime Hervé Célard, de Lely. Si on laisse traîner les problèmes, on va plus vite vers l'échec en robot. » « Le gain de temps ne doit pas être une motivation d'achat », insiste Edouard Alix, de DeLaval.

Contrairement aux idées reçues, l'éleveur est davantage en contact avec ses vaches en système robotisé. Ces dernières sont plus calmes. « Nous entendons souvent les éleveurs nous dire “avec le robot, je connais beaucoup mieux mes vaches et mon troupeau, je subis moins, j'anticipe plus”. Certains ont retrouvé le goût de l'élevage, une fois libérés de la traite qui était devenue une corvée », confirme Edouard Alix.