« Je ne me serais jamais installé pour élever des vaches ou des porcs ! » sourit Matthieu Chauvel. Il ne se serait pas non plus installé pour élever une autre race ovine que des bizets : des brebis autochtones et rustiques qui séduisent sa famille depuis quatre générations. Matthieu a rejoint son père, Jean-Luc, et sa belle-mère, Monique, en juin 2004. Après l'obtention de ses diplômes agricoles, le jeune homme a travaillé durant quatre ans comme charpentier. Une expérience qu'il juge « instructive ».
L'opportunité d'acquérir 25 hectares voisins de l'exploitation familiale, à Sainte-Florine, dans la Haute-Loire, lui fait franchir le pas de l'installation. Le troupeau existant de 900 brebis de race bizet augmente alors par l'achat de 200 agnelles île-de-france. « Il existe une forte demande en mâles île-de-france, utilisés en croisement pour améliorer la conformation. D'où le choix de cette race en complément pour diversifier nos productions », souligne Jean-Luc Chauvel, qui préside la station de sélection des cinq races rustiques (rava, bizet, blanche du Massif central, limousin, noire du Velay) du massif, à Mazeyrat-d'Allier, en Haute-Loire.
Les brebis, conduites en un agnelage par an, sont en partie dessaisonnées. Deux cents brebis agnellent en décembre des agneaux croisés, vendus pour Pâques sous le signe de qualité label rouge « Agneau fermier du Pays d'Oc ». Un lot de 250 brebis produit également des agneaux croisés destinés à la boucherie en septembre. Quant au lot agnelant à l'extérieur en avril-mai, il produit essentiellement des animaux de race pure, les agnelles de renouvellement et les agneaux mâles bizets destinés à un marché des fêtes musulmanes. « Nous valorisons la souplesse d'utilisation de la bizet pour produire ce lot spécifique de 250 mâles en race pure vendus à l'automne pour les fêtes de l'aïd el-kébir », explique Matthieu. Un lot de mâles bizets purs est vendu pour la reproduction, ainsi que les mâles purs île-de-france et les femelles bizets.
DU MAÏS AU MENU
L'année 2011 restera dans les mémoires, avec une sécheresse printanière qui a poussé à modifier le plan d'alimentation du troupeau. « Fin avril-début mai, nous avons décidé d'augmenter nos surfaces en maïs afin de produire de l'ensilage pour nos brebis, explique Matthieu. Habituellement, nous en implantons 26 ha pour des ventes en grains. L'an dernier, nous en avons cultivé 33,5 ha, dont 7 ha ont été ensilés pour nos brebis. Nous avons ainsi pu disposer de 280 tonnes de matière brute en stock. La possibilité d'irriguer cette culture a permis ce rendement. »
Dix hectares de luzerne et dactyle ont également été irrigués, sur les 20 ha produits. « La première coupe de luzerne à 7 t de matière sèche par hectare a sauvé la récolte de foin », précise Jean-Luc. Les rendements en céréales et en paille ont chuté. Les éleveurs ont acheté 40 t de paille au lieu des 15 habituelles. Le maïs remplace cet hiver l'ensilage d'herbe dans les rations. La quantité d'orge pour les brebis en lactation a été diminuée (300 g/brebis/jour au lieu de 600 g une année normale) et les éleveurs ont rajouté 100 g de soja/brebis/jour. Du foin est laissé à volonté.
« Alors que les moutonniers commencent à raisonner en coût de production du kilo d'agneau vendu et non plus seulement en nombre de mères reproductrices, il est primordial de trouver un maximum d'autonomie alimentaire sur l'exploitation, ajoute Matthieu, confiant en l'avenir de son système de production.

