« Je ne veux pas rassurer ceux qui espèrent du retard en donnant un plan B. » Dacian Ciolos le martèle depuis que les perspectives financières de l'Union européenne pour 2014-2020 sont en négociation. Malgré l'échec, fin novembre, des chefs d'Etat et de gouvernement à trouver un accord, le commissaire à l'Agriculture maintient la pression. « Le Conseil et le Parlement doivent prendre leurs responsabilités », a-t-il déclaré, rejetant tout retard dans la mise en oeuvre de la Pac. Selon ses services, un accord budgétaire au premier trimestre 2013 permet encore une entrée en application de la nouvelle Pac au 1er janvier 2014. Les vingt-sept ministres de l'Agriculture sont moins optimistes. « La Commission doit préparer une période transitoire, car il faut une année au moins pour mettre les textes en vigueur », estime Stéphane Le Foll.

Quelle que soit la date de l'accord financier, le budget agricole sera rogné de plusieurs milliards d'euros (lire pages 38-39). Une réalité utilisée par nombre d'Etats membres pour remettre en cause la réforme de la Pac sur le fond. Deux sujets en particulier cristallisent les positions : la convergence européenne des aides et leur verdissement, les deux armes de Dacian Ciolos brandies pour justifier le maintien du budget de la Pac après 2013. Arguments qui devaient convaincre les consommateurs et les ministres des Finances… Mais la crise économique est passée par là et, malgré les efforts de communication de la Commission auprès de la société civile, la Pac n'a pas redoré son blason. Pour autant, Dacian Ciolos ne reviendra pas sur l'architecture de la réforme et le nouveau visage des aides (voir l'infographie ci-contre) qu'il a proposés le 12 octobre 2011. Toutefois, il lâche un peu de lest.

ÉQUITÉ ET ÉQUIVALENCES

La convergence des soutiens. Dans un souci d'équité, Dacian Ciolos propose de diminuer l'écart de montant entre les enveloppes nationales de l'UE à quinze et de l'UE à douze. La France devrait ainsi voir son enveloppe amputée de 2 %. Il propose aussi une convergence interne des aides, entre agriculteurs d'un même pays, d'ici à 2019. Une étape qui fait frémir la France. « Ce sera plus difficile pour nous que pour d'autres pays, car nous avons de grandes disparités entre les productions et les régions », explique Stéphane Le Foll. La Commission dit « travailler sur davantage de progressivité » et la prise en compte de l'emploi à travers un mécanisme de « surprime » des premiers hectares.

Le verdissement des aides. La Commission prévoit de conditionner le versement de 30 % des aides au respect de trois mesures, ce qui se traduirait, dans l'Hexagone, par une aide forfaitaire d'environ 90 €/ha, calculée sur la base d'un DPU moyen de 300 €/ha et d'hectares éligibles constants.

Initialement, la Commission exigeait la rotation des cultures, le maintien des prairies permanentes (PP) et la création de réserves écologiques. Aujourd'hui, elle ne parle plus de rotation mais « seulement » de diversité de cultures. Elle exempte du respect de cette mesure les exploitations de moins de 10 ha (3 ha auparavant) et celles comptant plus de 70 à 80 % de PP. Les prairies temporaires compteront dans les trois cultures qui doivent constituer l'assolement des exploitations européennes. Les 7 % de réserves écologiques pourront se matérialiser en jachère ou bandes enherbées. Les haies, les arbres isolés, les lisières de bois, les landes ou encore les vergers de haute tige pourront être retenus. Une porte est aussi entrouverte pour la reconnaissance des légumineuses. Concernant le maintien des PP, une tolérance de retournement de 5 % a été introduite et une nouvelle définition des PP est à l'étude pour donner quelques marges de manoeuvre aux éleveurs dans leur assolement. Enfin, la Commission est prête à considérer comme « vertes », au-delà de l'agriculture biologique, toutes les pratiques qui ont un effet prouvé sur la biodiversité, « équivalent » à ses trois propositions et notamment les dispositifs de certification.

Régulation des marchés. Aux accusations de désengagement de l'Europe, Dacian Ciolos répond gestion de crise et responsabilité des producteurs. « Contrairement à l'impression que j'avais au début de mon mandat, les agriculteurs veulent de vrais filets de sécurité de crise plus que des politiques de stockage. Mais l'organisation des producteurs est la condition préalable. » Pour pallier la fin des quotas laitiers, le commissaire promet, après le « paquet lait », de nouvelles idées. La prolongation des quotas sucriers ne semble plus taboue. Quant aux droits de plantation viticoles, il assure vouloir « travailler en fonction du marché ». En parallèle des négociations européennes, le ministre français réunit régulièrement un « groupe Pac », composé des professionnels, des représentants des régions et des associations environnementales, pour anticiper la mise en oeuvre dans l'Hexagone.